dont une des planetes porte les restes d’un astronef de structure inconnue. La tentative de penetrer a l’interieur de l’appareil a failli provoquer une catastrophe, mais on a quand meme reussi a rapporter un fragment de la cuirasse metallique. Cette matiere mysterieuse ressemble au quatorzieme isotope de l’argent, decele sur les planetes d’une etoile tres chaude de classe 08, que l’on connait depuis longtemps sous le nom de zeta de la Carene.
La forme de l’astronef : un disque biconvexe, a surface spirale : est etudiee a l’Academie des Limites du Savoir.
Junius Ante a revu tous, les enregistrements des informations transmises par l’Anneau depuis les huit cents ans que nous y avons adhere. Ce type d’astronef est irrealisable par notre science. On l’ignore dans les mondes de la Galaxie avec lesquels nous echangeons des messages.
Le vaisseau discoide geant est certainement un hote de planetes tres lointaines, peut-etre meme de mondes situes en dehors des galaxies. Il a pu vagabonder des millions d’annees avant d’atterrir sur cette planete de l’etoile de fer, a la peripherie deserte de notre Voie lactee.
Inutile d’insister sur l’importance de son etude par une expedition speciale envoyee vers l’etoile T.
Grom Orm brancha l’ecran hemispherique, et la salle disparut. Les enregistrements des machines mnemotechniques defilaient lentement sous les yeux des spectateurs.
— Voici un message recent de la planete ZR 519 ; je vous fais grace des coordonnees completes. C’est le compte rendu de leur expedition dans le systeme de l’etoile Achernard.
La disposition des etoiles semblait bizarre et l’?il le plus exerce n’aurait pu y reconnaitre des astres familiers. C’etaient des etendues de gaz phosphorescents, des nuages opaques, de grandes planetes refroidies qui renvoyaient la clarte d’un astre excessivement brillant.
D’un diametre a peine trois fois et demie plus grand que le Soleil, Achernard, etoile bleue de classe spectrale B 5, etait deux cent quatre-vingts fois plus lumineux. ,Le vaisseau cosmique s’etait eloigne apres avoir pris le cliche. Des dizaines d’annees de voyage avaient sans doute passe ... Un autre astre, etoile verte de classe S, apparut sur l’ecran. Elle grandissait et sa lumiere s’intensifiait a mesure que l’astronef etranger s’en approchait. La surface d’une nouvelle planete surgit. Les spectateurs virent un paysage de hautes montagnes ou se jouaient toutes les nuances imaginables de clarte verte. Ombres vert fonce des gorges profondes et des escarpements, vert-bleu et vert-mauve des roches et des vallees eclairees, neiges glauques des cimes et des plateaux, vert-jaune des terrains brules par l’astre ardent. Des torrents de malachite coulaient vers des lacs et des mers dissimules derriere les cretes ...
Plus loin, une plaine mamelonnee s’etendait jusqu’au bord de la mer qui semblait de loin une tole verte. Les arbres bleus, au feuillage touffu, poussaient autour de clairieres ou des herbes et des buissons etranges dessinaient des taches et des bandes pourpres. Et un flot puissant de rayons d’or vert se deversait du ciel d’amethyste. Les hommes de la Terre etaient saisis d’admiration devant cette planete splendide. Mven Mas fouillait dans sa puissante memoire pour situer exactement l’astre vert. Des pensees rapides traversaient son cerveau :
— Achernard, l’etoile alfa d’Eridan, est au zenith du ciel austral, pres du Toucan ... Vingt et un parsecs de distance ... L’astronef ne peut revenir du vivant de l’equipage ...
L’ecran s’eteignit, et la vue « le la salle close, adaptee aux conseils des terriens, parut bien singuliere aux spectateurs.
— Cette etoile verte, reprit le president, dont les raies spectrales temoignent d’une forte proportion de zirconium, est un peu plus grande que notre Soleil.
Grom Orm cita rapidement les coordonnees de l’astre.
— Son systeme, continua-t-il, comprend deux planetes jumelles qui tournent l’une en face de l’autre a une distance de l’etoile correspondant a l’energie recue du Soleil par la Terre.
La densite, la composition de l’atmosphere et la quantite d’eau sont analogues aux conditions terrestres. Telles sont les donnees preliminaires de l’expedition de la planete ZR 519. Elles attestent aussi l’absence de vie superieure sur les planetes jumelles. La vie superieure, pensante, transforme la nature au point qu’on la remarque meme au passage, du bord d’un astronef volant tres haut. Cette vie ne peut sans doute pas se developper, ou son temps n’est pas encore venu. C’est une chance rare, car l’existence d’une vie superieure nous aurait interdit l’acces du monde de l’etoile verte. Il y a plus de sept siecles, en l’an soixante-douze de l’Ere de l’Anneau, nos ancetres ont envisage la possibilite de peupler les planetes ou s’est deja creee une vie pensante, en admettant meme qu’elle n’ait pas atteint le niveau de notre civilisation. Mais on a conclu des lors que toute intrusion de ce genre entrainerait inevitablement des actes de violence dus a l’incomprehension.
Nous connaissons aujourd’hui la diversite des mondes de notre Galaxie : etoiles bleues, vertes, jaunes, blanches, rouges, orangees, comprenant toutes de l’hydrogene et de l’helium, mais se distinguant par la nature de leurs noyaux et de leurs enveloppes — de carbone, de cyanure, de titane, de zirco-nium — par le caractere des radiations, la temperature. Planetes qui different tant par leur volume et leur densite que par la composition et l’epaisseur de l’atmosphere, la distance au soleil, les conditions de rotation ... Mais nous savons autre chose : notre Terre dont l’eau recouvre 70% de la surface et qui se trouve assez pres du Soleil pour en recevoir une puissante reserve d’energie est la base d’une vie intense, telle qu’on en rencontre rarement dans le Cosmos, une vie riche en masse biologique et sujette a des transformations continuelles.
C’est pourquoi la vie s’est developpee chez nous plus rapidement que la ou elle souffrait du manque d’eau, d’energie solaire ou de terre ferme, et que sur les mondes trop humides. Les transmissions de l’Anneau nous ont montre l’evolution de la vie sur les planetes inondees, ou les etres s’agrippent desesperement aux vegetaux emergeant du marais eternel.
Sur notre Terre, riche en eau, la superficie des continents est aussi relativement petite pour la collecte d’energie solaire par les plantes alimentaires, le bois ou simplement par les installations thermo-electriques.
Aux periodes tres anciennes de l’histoire de la Terre, la vie se developpait plus lentement sur les terrains marecageux paleozoiques que sur les hauteurs neozoiques ou on sc disputait l’eau autant que la nourriture.
Nous savons que pour une vie forte et abondante il faut un rapport determine entre les eaux et les terres, et que notre planete se rapproche de ce coefficient favorable. Des planetes pareilles sont assez rares dans le Cosmos, et chacune presente a notre humanite un tresor, un nouvel habitat et un tremplin de civilisation.
L’humanite ne craint plus la surpopulation qui effrayait nos aieux, mais nous elargissons sans cesse notre habitat dans le Cosmos, car c’est la une manifestation du progres, une loi ineluctable du developpement. La difficulte d’assimiler les planetes qui different trop de la notre par les conditions physiques a fait naitre l’idee d’etablir les hommes dans le Cosmos sur de vastes ouvrages semblables a de satellites artificiels tres agrandis. Une de ces iles a ete construite a la veille de l’epoque de l’Anneau : c’est le Nadir situe a 18 millions de kilometres de la Terre. Une petite colonie y vit toujours, parait-il ... mais l’imperfection de ces gites, trop etroits pour la vie