A l’onde et le firmament,

Et dont toute la nature,

N’est, au fond, que l’ornement.

Tout ce qui brille offre a l’ame

Son parfum ou sa couleur;

Si Dieu n’avait fait la femme,

Il n’aurait pas fait la fleur.

A quoi bon vos etincelles,

Bleus saphirs, sans les yeux doux?

Les diamants, sans les belles,

Ne sont plus que des cailloux;

Et, dans les charmilles vertes,

Les roses dorment debout,

Et sont des bouches ouvertes

Pour ne rien dire du tout.

Tout objet qui charme ou reve

Tient des femmes sa clarte;

La perle blanche, sans Eve,

Sans toi, ma fiere beaute,

Ressemblant, tout enlaidie,

A mon amour qui te fuit,

N’est plus que la maladie

D’une bete dans la nuit.

Paris, avril 18…

XII. Eglogue

Nous errions; elle et moi, dans les monts de Sicile.

Elle est fiere pour tous et pour moi seul docile.

Les cieux et nos pensers rayonnaient a la fois.

Oh! comme aux lieux deserts les c?urs sont peu farouches!

Que de fleurs aux buissons, que de baisers aux bouches,

Quand on est dans l’ombre des bois!

Pareils a deux oiseaux qui vont de cime en cime,

Nous parvinmes enfin tout au bord d’un abime.

Elle osa s’approcher de ce sombre entonnoir;

Et, quoique mainte epine offensat ses mains blanches,

Nous tachames, penches et nous tenant aux branches,

D’en voir le fond lugubre et noir.

En ce meme moment, un titan centenaire,

Qui venait d’y rouler sous vingt coups de tonnerre,

Se tordait dans ce gouffre ou le jour n’ose entrer;

Et d’horribles vautours au bec impitoyable,

Attires par le bruit de sa chute effroyable,

Commencaient a le devorer.

Alors, elle me dit: «J’ai peur qu’on ne nous voie!

Cherchons un autre afin d’y cacher notre joie!

Vois ce pauvre geant! nous aurions notre tour!

Car les dieux envieux qui l’ont fait disparaitre,

Et qui furent jaloux de sa grandeur, peut-etre

Seraient jaloux de notre amour!»

Septembre 18…

XIII .

Viens! – une flute invisible

Soupire dans les vergers. -

La chanson la plus paisible.

Est la chanson des bergers.

Le vent ride, sous l’yeuse,

Le sombre miroir des eaux. -

La chanson la plus joyeuse

Est la chanson des oiseaux.

Que nul soin ne te tourmente.

Aimons-nous! aimons toujours! -

La chanson la plus charmante

Est la chanson des amours.

Les Metz, aout 18…

XIV. Billet du matin

Si les liens des c?urs ne sont pas des mensonges,

Oh! dites, vous devez avoir eu de doux songes,

Je n’ai fait que rever de vous toute la nuit.

Et nous nous aimions tant! vous me disiez: «Tout fuit,

Tout s’eteint, tout s’en va; ta seule image reste.»

Nous devions etre morts dans ce reve celeste;

Il semblait que c’etait deja le paradis.

Oh! oui, nous etions morts, bien sur; je vous le dis.

Nous avions tous les deux la forme de nos ames.

Tout ce que, l’un de l’autre, ici-bas nous aimames

Composait notre corps de flamme et de rayons,

Et, naturellement, nous nous reconnaissions.

Il nous apparaissait des visages d’aurore

Qui nous disaient: «C’est moi!» la lumiere sonore

Chantait; et nous etions des frissons et des voix.

Vous me disiez: «Ecoute!» et je repondais: «Vois!»

Je disais: «Viens-nous-en dans les profondeurs sombres,

Vivons; c’est autrefois que nous etions des ombres.»

Et, melant nos appels et nos cris: «Viens! oh! viens!

Et moi, je me rappelle, et toi, tu te souviens.»

Eblouis, nous chantions: – C’est nous-memes qui sommes

Tout ce qui nous semblait, sur la terre des hommes,

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