Dont l’autre roue est Cesar;
Et Pharsale et Trasimene,
Et tout ce que les Nerons
Font voler de cendre humaine
Dans le souffle des clairons!
Je sais que c’est la coutume
D’adorer ces nains geants
Qui, parce qu’ils sont ecume,
Se supposent oceans;
Et de croire a la poussiere,
A la fanfare qui fuit,
Aux pyramides de pierre,
Aux avalanches de bruit.
Moi, je prefere, o fontaines!
Moi, je prefere, o ruisseaux!
Au Dieu des grands capitaines,
Le Dieu des petits oiseaux!
O mon doux ange, en ces ombres
Ou, nous aimant, nous brillons,
Au Dieu des ouragans sombres
Qui poussent les bataillons,
Au Dieu des vastes armees,
Des canons au lourd essieu,
Des flammes et des fumees,
Je prefere le bon Dieu!
Le bon Dieu, qui veut qu’on aime,
Qui met au c?ur de l’amant
Le premier vers du poeme,
Le dernier au firmament!
Qui songe a l’aile qui pousse,
Aux ?ufs blancs, au nid trouble,
Si la caille a de la mousse,
Et si la grive a du ble;
Et qui fait, pour les Orphees,
Tenir, immense et subtil,
Tout le doux monde des fees
Dans le vert bourgeon d’avril!
Si bien, que cela s’envole
Et se disperse au printemps,
Et qu’une vague aureole
Sort de tous les nids chantants!
Vois-tu, quoique notre gloire
Brille en ce que nous creons,
Et dans notre grande histoire
Pleine de grands pantheons;
Quoique nous ayons des glaives,
Des temples, Cheops, Babel,
Des tours, des palais, des reves,
Et des tombeaux jusqu’au ciel;
Il resterait peu de choses
A l’homme, qui vit un jour,
Si Dieu nous otait les roses,
Si Dieu nous otait l’amour!
Chelles, septembre 18…
XIX. N’envions rien
O femme, pensee aimante
Et c?ur souffrant,
Vous trouvez la fleur charmante
Et l’oiseau grand;
Vous enviez la pelouse
Aux fleurs de miel;
Vous voulez que je jalouse
L’oiseau du ciel.
Vous dites, beaute superbe
Au front terni,
Regardant tour a tour l’herbe
Et l’infini:
«Leur existence est la bonne;
«La, tout est beau;
«La, sur la fleur qui rayonne,
«Plane l’oiseau!
«Pres de vous, aile benie,
«Lis enchante,
«Qu’est-ce, helas! que le genie
«Et la beaute?
«Fleur pure, alouette agile,
«A vous le prix!
«Toi, tu depasses Virgile;
«Toi, Lycoris!
«Quel vol profond dans l’air sombre!
«Quels doux parfums! -»
Et des pleurs brillent sous l’ombre
De vos cils bruns.
Oui, contemplez l’hirondelle,
Les liserons;
Mais ne vous plaignez pas, belle,
Car nous mourrons!
Car nous irons dans la sphere
De l’ether pur;
La femme y sera lumiere,
Et l’homme azur;
Et les roses sont moins belles
Que les houris;
Et les oiseaux ont moins d’ailes
Que les esprits!