Aout 18…
XX. Il fait froid
L’hiver blanchit le dur chemin.
Tes jours aux mechants sont en proie.
La bise mord ta douce main;
La haine souffle sur ta joie.
La neige emplit le noir sillon.
La lumiere est diminuee… -
Ferme ta porte a l’aquilon!
Ferme ta vitre a la nuee!
Et puis laisse ton c?ur ouvert!
Le c?ur, c’est la sainte fenetre.
Le soleil de brume est couvert;
Mais Dieu va rayonner peut-etre!
Doute du bonheur, fruit mortel;
Doute de l’homme plein d’envie;
Doute du pretre et de l’autel;
Mais crois a l’amour, o ma vie!
Crois a l’amour, toujours entier,
Toujours brillant sous tous les voiles!
A l’amour, tison du foyer!
A l’amour, rayon des etoiles!
Aime et ne desespere pas.
Dans ton ame ou parfois je passe,
Ou mes vers chuchotent tout bas,
Laisse chaque chose a sa place.
La fidelite sans ennui,
La paix des vertus elevees,
Et l’indulgence pour autrui,
Eponge des fautes lavees.
Dans ta pensee ou tout est beau,
Que rien ne tombe ou ne recule.
Fais de ton amour ton flambeau.
On s’eclaire de ce qui brule.
A ces demons d’inimitie,
Oppose ta douceur sereine,
Et reverse-leur en pitie
Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine.
La haine, c’est l’hiver du c?ur.
Plains-les! mais garde ton courage.
Garde ton sourire vainqueur;
Bel arc-en-ciel, sors de l’orage!
Garde ton amour eternel.
L’hiver, l’astre eteint-il sa flamme?
Dieu ne retire rien du ciel;
Ne retire rien de ton ame!
Decembre 18…
XXI .
Il lui disait: «Vois-tu, si tous deux nous pouvions,
«L’ame pleine de foi, le c?ur plein de rayons,
«Ivres de douce extase et de melancolie,
«Rompre les mille n?uds dont la ville nous lie;
«Si nous pouvions quitter ce Paris triste et fou,
«Nous fuirions; nous irions quelque part, n’importe ou,
«Chercher loin des vains bruits, loin des haines jalouses,
«Un coin ou aurions des arbres, des pelouses,
«Une maison petite avec des fleurs, un peu
«De solitude, un peu de silence, un ciel bleu,
«La chanson d’un oiseau qui sur le toit se pose,
«De l’ombre; – et quel besoin avons-nous d’autre chose?»
Juillet 18…
XXII .
– Aimons toujours! aimons encore!
Quand l’amour s’en va, l’espoir fuit.
L’amour, c’est le cri de l’aurore,
L’amour, c’est l’hymne de la nuit.
Ce que le flot dit aux rivages,
Ce que le vent dit aux vieux monts,
Ce que l’astre dit aux nuages,
C’est le mot ineffable: Aimons!
L’amour fait songer, vivre et croire.
Il a, pour rechauffer le c?ur,
Un rayon de plus que la gloire,
Et ce rayon, c’est le bonheur!
Aime! qu’on les loue ou les blame,
Toujours les grands c?urs aimeront:
Joins cette jeunesse de l’ame
A la jeunesse de ton front!
Aime, afin de charmer tes heures!
Afin qu’on voie en tes beaux yeux
Des voluptes interieures
Le sourire mysterieux!
Aimons-nous toujours davantage!
Unissons-nous mieux chaque jour.
Les arbres croissent en feuillage;
Que notre ame croisse en amour!
Soyons le miroir et l’image!