Soyons la fleur et le parfum!

Les amants, qui, seuls sous l’ombrage,

Se sentent deux et ne sont qu’un!

Les poetes cherchent les belles.

La femme, ange aux chastes faveurs,

Aime a rafraichir sous ses ailes

Ces grands fronts brulants et reveurs.

Venez a nous, beautes touchantes!

Viens a moi, toi, mon bien, ma loi!

Ange! viens a moi quand tu chantes,

Et, quand tu pleures, viens a moi!

Nous seuls comprenons vos extases;

Car notre esprit n’est point moqueur;

Car les poetes sont les vases

Ou les femmes versent leur c?ur.

Moi qui ne cherche dans ce monde

Que la seule realite,

Moi qui laisse fuir comme l’onde

Tout ce qui n’est que vanite,

Je prefere, aux biens dont s’enivre

L’orgueil du soldat ou du roi,

L’ombre que tu fais sur mon livre

Quand ton front se penche sur moi.

Toute ambition allumee

Dans notre esprit, brasier subtil,

Tombe en cendre ou vole en fumee,

Et l’on se dit: «Qu’en reste-t-il?»

Tout plaisir, fleur a peine eclose

Dans notre avril sombre et terni,

S’effeuille et meurt, lis, myrte ou rose,

Et l’on se dit: «C’est donc fini!»

L’amour seul reste. O noble femme,

Si tu veux, dans ce vil sejour,

Garder ta foi, garder ton ame,

Garder ton Dieu, garde l’amour!

Conserve en ton c?ur, sans rien craindre,

Dusses-tu pleurer et souffrir,

La flamme qui ne peut s’eteindre

Et la fleur qui ne peut mourir!

Mai 18…

XXIII. Apres l’hiver

Tout revit, ma bien-aimee!

Le ciel gris perd sa paleur;

Quand la terre est embaumee,

Le c?ur de l’homme est meilleur.

En haut, d’ou l’amour ruisselle,

En bas, ou meurt la douleur,

La meme immense etincelle

Allume l’astre et la fleur.

L’hiver fuit, saison d’alarmes,

Noir avril mysterieux

Ou l’apre seve des larmes

Coule, et du c?ur monte aux yeux.

O douce desuetude

De souffrir et de pleurer!

Veux-tu, dans la solitude,

Nous mettre a nous adorer?

La branche au soleil se dore

Et penche, pour l’abriter,

Ses boutons qui vont eclore

Sur l’oiseau qui va chanter.

L’aurore ou nous nous aimames

Semble renaitre a nos yeux;

Et mai sourit dans nos ames

Comme il sourit dans les cieux.

On entend rire, on voit luire

Tous les etres tour a tour,

La nuit, les astres bruire,

Et les abeilles, le jour.

Et partout nos regards lisent,

Et, dans l’herbe et dans les nids,

De petites voix nous disent:

«Les aimants sont les benis!»

L’air enivre; tu reposes

A mon cou tes bras vainqueurs. -

Sur les rosiers que de roses!

Que de soupirs dans nos c?urs!

Comme l’aube, tu me charmes;

Ta bouche et tes yeux cheris

Ont, quand tu pleures, ses larmes,

Et ses perles quand tu ris.

La nature, s?ur jumelle

Eve et d’Adam et du jour,

Nous aime, nous berce et mele

Son mystere a notre amour.

Il suffit que tu paraisses

Pour que le ciel, t’adorant,

Te contemple; et, nos caresses,

Toute l’ombre nous les rend!

Clartes et parfums nous-memes,

Nous baignons nos c?urs heureux

Dans les effluves supremes

Des elements amoureux.

Et, sans qu’un souci t’oppresse,

Sans que ce soit mon tourment,

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