Ces clartes, jour d’une autre sphere,

O Dieu jaloux, tu nous les vends!

Pourquoi m’as-tu pris la lumiere

Que j’avais parmi les vivants?

As-tu donc pense, fatal maitre,

Qu’a force de te contempler,

Je ne voyais plus ce doux etre,

Et qu’il pouvait bien s’en aller!

T’es-tu dit que l’homme, vaine ombre,

Helas! perd son humanite

A trop voir cette splendeur sombre

Qu’on appelle la verite?

Qu’on peut le frapper sans qu’il souffre,

Que son c?ur est mort dans l’ennui,

Et qu’a force de voir le gouffre,

Il n’a plus qu’un abime en lui?

Qu’il va, stoique, ou tu l’envoies,

Et que desormais, endurci,

N’ayant plus ici-bas de joies,

Il n’a plus de douleurs aussi?

As-tu pense qu’une ame tendre

S’ouvre a toi pour se mieux fermer,

Et que ceux qui veulent comprendre

Finissent par ne plus aimer?

O Dieu! vraiment, as-tu pu croire

Que je preferais, sous les cieux,

L’effrayant rayon de ta gloire

Aux douces lueurs de ses yeux!

Si j’avais su tes lois moroses,

Et qu’au meme esprit enchante

Tu ne donnes point ces deux choses,

Le bonheur et la verite,

Plutot que de lever tes voiles,

Et de chercher, c?ur triste et pur,

A te voir au fond des etoiles,

O Dieu sombre d’un monde obscur,

J’eusse aime mieux, loin de ta face,

Suivre, heureux, un etroit chemin,

Et n’etre qu’un homme qui passe

Tenant son enfant par la main!

Maintenant, je veux qu’on me laisse!

J’ai fini! le sort est vainqueur.

Que vient-on rallumer sans cesse

Dans l’ombre qui m’emplit le c?ur?

Vous qui me parlez, vous me dites

Qu’il faut, rappelant ma raison,

Guider les foules decrepites

Vers les lueurs de l’horizon;

Qu’a l’heure ou les peuples se levent,

Tout penseur suit un but profond;

Qu’il se doit a tous ceux qui revent,

Qu’il se doit a tous ceux qui vont!

Qu’une ame, qu’un feu pur anime,

Doit hater, avec sa clarte,

L’epanouissement sublime

De la future humanite;

Qu’il faut prendre part, c?urs fideles,

Sans redouter les oceans,

Aux fetes des choses nouvelles,

Aux combats des esprits geants!

Vous voyez des pleurs sur ma joue,

Et vous m’abordez mecontents,

Comme par le bras on secoue

Un homme qui dort trop longtemps.

Mais songez a ce que vous faites!

Helas! cet ange au front si beau,

Quand vous m’appelez a vos fetes,

Peut-etre a froid dans son tombeau.

Peut-etre, livide et palie,

Dit-elle dans son lit etroit:

«Est-ce que mon pere m’oublie

Et n’est plus la, que j’ai si froid?»

Quoi! lorsqu’a peine je resiste

Aux choses dont je me souviens,

Quand je suis brise, las et triste,

Quand je l’entends qui me dit: «Viens!»

Quoi! vous voulez que je souhaite,

Moi, plie par un coup soudain,

La rumeur qui suit le poete,

Le bruit que fait le paladin!

Vous voulez que j’aspire encore

Aux triomphes doux et dores!

Que j’annonce aux dormeurs l’aurore!

Que je crie: «Allez! esperez!»

Vous voulez que, dans la melee,

Je rentre ardent parmi les forts,

Les yeux a la voute etoilee… -

Oh! l’herbe epaisse ou sont les morts!

Novembre 1846.

IV .

Oh! je fus comme fou dans le premier moment,

Helas! et je pleurai trois jours amerement.

Vous tous a qui Dieu prit votre chere esperance,

Peres, meres, dont l’ame a souffert ma souffrance,

Tout ce que j’eprouvais, l’avez-vous eprouve?

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