Je composais cette jeune ame

Comme l’abeille fait son miel.

Doux ange aux candides pensees,

Elle etait gaie en arrivant… -

Toutes ces choses sont passees

Comme l’ombre et comme le vent!

Villequier, 4 septembre 1844.

VII .

Elle etait pale, et pourtant rose,

Petite avec de grands cheveux.

Elle disait souvent: Je n’ose,

Et ne disait jamais: Je veux.

Le soir, elle prenait ma Bible

Pour y faire epeler sa s?ur,

Et, comme une lampe paisible,

Elle eclairait ce jeune c?ur.

Sur le saint livre que j’admire,

Leurs yeux purs venaient se fixer;

Livre ou l’une apprenait a lire,

Ou l’autre apprenait a penser!

Sur l’enfant, qui n’eut pas lu seule,

Elle penchait son front charmant,

Et l’on aurait dit une aieule

Tant elle parlait doucement!

Elle lui disait: «Sois bien sage!»

Sans jamais nommer le demon;

Leurs mains erraient de page en page

Sur Moise et sur Salomon,

Sur Cyrus qui vint de la Perse,

Sur Moloch et Leviathan,

Sur l’enfer que Jesus traverse,

Sur l’eden ou rampe Satan!

Moi, j’ecoutais… – O joie immense

De voir la s?ur pres de la s?ur!

Mes yeux s’enivraient en silence

De cette ineffable douceur.

Et, dans la chambre humble et deserte

Ou nous sentions, caches tous trois,

Entrer par la fenetre ouverte

Les souffles des nuits et des bois,

Tandis que, dans le texte auguste,

Leurs c?urs, lisant avec ferveur,

Puisaient le beau, le vrai, le juste,

Il me semblait, a moi, reveur,

Entendre chanter des louanges

Autour de nous, comme au saint lieu,

Et voir sous les doigts de ces anges

Tressaillir le livre de Dieu!

Octobre 1846.

VIII .

A qui donc sommes-nous? Qui nous a? qui nous mene?

Vautour fatalite, tiens-tu la race humaine?

Oh! parlez, cieux vermeils,

L’ame sans fond tient-elle aux etoiles sans nombre?

Chaque rayon d’en haut est-il un fil de l’ombre

Liant l’homme aux soleils?

Est-ce qu’en nos esprits, que l’ombre a pour repaires,

Nous allons voir rentrer les songes de nos peres?

Destin, lugubre assaut!

O vivants, serions-nous l’objet d’une dispute?

L’un veut-il notre gloire, et l’autre notre chute?

Combien sont-ils la-haut?

Jadis, au fond du ciel, aux yeux du mage sombre,

Deux joueurs effrayants apparaissaient dans l’ombre.

Qui craindre? qui prier?

Les Manes frissonnants, les pales Zoroastres

Voyaient deux grandes mains qui deplacaient les astres

Sur le noir echiquier.

Songe horrible! le bien, le mal, de cette voute

Pendent-ils sur nos fronts? Dieu, tire-moi du doute!

O sphinx, dis-moi le mot!

Cet affreux reve pese a nos yeux qui sommeillent,

Noirs vivants! heureux ceux qui tout a coup s’eveillent

Et meurent en sursaut!

Villequier, 4 septembre 1845.

IX .

O souvenirs! printemps! aurore!

Doux rayon triste et rechauffant!

– Lorsqu’elle etait petite encore,

Que sa s?ur etait tout enfant… -

Connaissez-vous sur la colline

Qui joint Montlignon a Saint-Leu,

Une terrasse qui s’incline

Entre un bois sombre et le ciel bleu?

– C’est la que nous vivions. – Penetre,

Mon c?ur, dans ce passe charmant! -

Je l’entendais sous ma fenetre

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