Son amour semble haine aupres du grand amour;

Et toutes ses splendeurs, poussant des cris funebres,

Disent en voyant Dieu: Nous sommes les tenebres!

Dieu, c’est le seul azur dont le monde ait besoin.

L’abime en en parlant prend l’atome a temoin.

Dieu seul est grand! c’est la le psaume du brin d’herbe;

Dieu seul est vrai! c’est la l’hymne du flot superbe;

Dieu seul est bon! c’est la le murmure des vents;

Ah! ne vous faites pas d’illusions, vivants!

Et d’ou sortez-vous donc, pour croire que vous etes

Meilleurs que Dieu, qui met les astres sur vos tetes,

Et qui vous eblouit, a l’heure du reveil,

De ce prodigieux sourire, le soleil!

Marine-Terrace, decembre 1854.

VI. Pleurs dans la nuit

I

Je suis l’etre incline qui jette ce qu’il pense;

Qui demande a la nuit le secret du silence;

Dont la brume emplit l’?il;

Dans une ombre sans fond mes paroles descendent,

Et les choses sur qui tombent mes strophes rendent

Le son creux du cercueil.

Mon esprit, qui du doute a senti la piqure,

Habite, apre songeur, la reverie obscure

Aux flots plombes et bleus,

Lac hideux ou l’horreur tord ses bras, pale nymphe,

Et qui fait boire une eau morte comme la lymphe

Aux rochers scrofuleux.

Le Doute, fils batard de l’aieule Sagesse,

Crie: – A quoi bon? – devant l’eternelle largesse,

Nous fait tout oublier,

S’offre a nous, morne abri, dans nos marches sans nombre,

Nous dit: – Es-tu las? Viens! – et l’homme dort a l’ombre

De ce mancenillier.

L’effet pleure et sans cesse interroge la cause.

La creation semble attendre quelque chose.

L’homme a l’homme est obscur.

Ou donc commence l’ame? ou donc finit la vie?

Nous voudrions, c’est la notre incurable envie,

Voir par-dessus le mur.

Nous rampons, oiseaux pris sous le filet de l’etre;

Libres et prisonniers, l’immuable penetre

Toutes nos volontes;

Captifs sous le reseau des choses necessaires,

Nous sentons se lier des fils a nos miseres

Dans les immensites.

II

Nous sommes au cachot; la porte est inflexible;

Mais, dans une main sombre, inconnue, invisible,

Qui passe par moment,

A travers l’ombre, espoir des ames serieuses,

On entend le trousseau des clefs mysterieuses

Sonner confusement.

La vision de l’etre emplit les yeux de l’homme.

Un mariage obscur sans cesse se consomme

De l’ombre avec le jour;

Ce monde, est-ce un eden tombe dans la gehenne?

Nous avons dans le c?ur des tenebres de haine

Et des clartes d’amour.

La creation n’a qu’une prunelle trouble.

L’etre eternellement montre sa face double,

Mal et bien, glace et feu;

L’homme sent a la fois, ame pure et chair sombre,

La morsure du ver de terre au fond de l’ombre

Et le baiser de Dieu.

Mais a de certains jours, l’ame est comme une veuve.

Nous entendons gemir les vivants dans l’epreuve.

Nous doutons, nous tremblons,

Pendant que l’aube epand ses lumieres sacrees

Et que mai sur nos seuils mele les fleurs dorees

Avec les enfants blonds.

Qu’importe la lumiere, et l’aurore, et les astres,

Fleurs des chapiteaux bleus, diamants des pilastres

Du profond firmament,

Et mai qui nous caresse, et l’enfant qui nous charme,

Si tout n’est qu’un soupir, si tout n’est qu’une larme,

Si tout n’est qu’un moment!

III

Le sort nous use au jour, triste meule qui tourne.

L’homme inquiet et vain croit marcher, il sejourne;

Il expire en creant.

Nous avons la seconde et nous revons l’annee;

Et la dimension de notre destinee,

C’est poussiere et neant.

L’abime, ou les soleils sont les egaux des mouches,

Nous tient; nous n’entendons que des sanglots farouches

Ou des rires moqueurs;

Vers la cible d’en haut qui dans l’azur s’eleve,

Nous lancons nos projets, nos v?ux, l’espoir, le reve,

Ces fleches de nos c?urs.

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