Mystere! obsession de tout esprit qui pense!
Echelle de la peine et de la recompense!
Nuit qui monte en clarte!
Sourire epanoui sur la torture amere!
Vision du sepulcre! etes-vous la chimere,
Ou la realite?
La fosse, plaie au flanc de la terre, est ouverte,
Et, beante, elle fait frissonner l’herbe verte
Et le buisson jauni;
Elle est la, froide, calme, etroite, inanimee,
Et l’ame en voit sortir, ainsi qu’une fumee,
L’ombre de l’infini.
Et les oiseaux de l’air, qui, planant sur les cimes,
Volant sous tous les cieux, comparent les abimes
Dans les courses qu’ils font,
Songent au noir Vesuve, a l’Ocean superbe,
Et disent, en voyant cette fosse dans l’herbe:
Voici le plus profond!
L’ame est partie, on rend le corps a la nature.
La vie a disparu sous cette creature;
Mort, ou sont tes appuis?
Le voila hors du temps, de l’espace et du nombre.
On le descend avec une corde dans l’ombre
Comme un seau dans un puits.
Que voulez-vous puiser dans ce puits formidable?
Et pourquoi jetez-vous la sonde a l’insondable?
Qu’y voulez-vous puiser?
Est-ce l’adieu lointain et doux de ceux qu’on aime?
Est-ce un regard? helas! est-ce un soupir supreme?
Est-ce un dernier baiser?
Qu’y voulez-vous puiser, vivants, essaim frivole?
Est-ce un fremissement du vide ou tout s’envole,
Un bruit, une clarte,
Une lettre du mot que Dieu seul peut ecrire?
Est-ce, pour le meler a vos eclats de rire,
Un peu d’eternite?
Dans ce gouffre ou la larve entr’ouvre son ?il terne,
Dans cette epouvantable et livide citerne,
Abime de douleurs,
Dans ce cratere obscur des muettes demeures,
Que voulez-vous puiser, o passants de peu d’heures,
Hommes de peu de pleurs?
Est-ce le secret sombre? est-ce la froide goutte
Qui, larme du neant, suinte de l’apre voute
Sans aube et sans flambeau?
Est-ce quelque lueur effaree et hagarde?
Est-ce le cri jete par tout ce qui regarde
Derriere le tombeau?
Vous ne puiserez rien. Les morts tombent. La fosse
Les voit descendre, avec leur ame juste ou fausse,
Leur nom, leurs pas, leur bruit.
Un jour, quand souffleront les celestes haleines,
Dieu seul remontera toutes ces urnes pleines
De l’eternelle nuit.
Et la terre, agitant la ronce a sa surface,
Dit: – L’homme est mort; c’est bien; que veut-on que j’en fasse?
Pourquoi me le rend-on? -
Terre! fais-en des fleurs! des lys que l’aube arrose!
De cette bouche aux dents beantes, fais la rose
Entr’ouvrant son bouton!
Fais ruisseler ce sang dans tes sources d’eaux vives,
Et fais-le boire aux b?ufs mugissants, tes convives;
Prends ces chairs en haillons;
Fais de ces seins bleuis sortir des violettes,
Et couvre de ces yeux que t’offrent les squelettes
L’aile des papillons.
Fais avec tous ces morts une joyeuse vie.
Fais-en le fier torrent qui gronde et qui devie.
La mousse aux frais tapis!
Fais-en des rocs, des joncs, des fruits, des vignes mures,
Des brises, des parfums, des bois pleins de murmures,
Des sillons pleins d’epis!
Fais-en des buissons verts, fais-en de grandes herbes!
Et qu’en ton sein profond d’ou se levent les gerbes,
A travers leur sommeil,
Les effroyables morts sans souffle et sans paroles
Se sentent frissonner dans toutes ces corolles
Qui tremblent au soleil!
La terre, sur la biere ou le mort pale ecoute,
Tombe, et le nid gazouille, et, la-bas, sur la route
Siffle le paysan;
Et ces fils, ces amis que le regret amene,
N’attendent meme pas que la fosse soit pleine
Pour dire: Allons-nous-en!
Le fossoyeur, paye par ces douleurs hatees,
Jette sur le cercueil la terre a pelletees.
Toi qui, dans ton linceul,