Car ils sont revenus, et c’est la le mystere;

Nous entendons quelqu’un flotter, un souffle errer,

Des robes effleurer notre seuil solitaire,

Et cela fait alors que nous pouvons pleurer.

Nous sentons frissonner leurs cheveux dans notre ombre;

Nous sentons, lorsqu’ayant la lassitude en nous,

Nous nous levons apres quelque priere sombre,

Leurs blanches mains toucher doucement nos genoux.

Ils nous disent tout bas de leur voix la plus tendre:

«Mon pere! encore un peu! ma mere! encore un jour!

«M’entends-tu? je suis la, je reste pour t’attendre

«Sur l’echelon d’en bas de l’echelle d’amour.

«Je t’attends pour pouvoir nous en aller ensemble.

«Cette vie est amere, et tu vas en sortir.

«Pauvre c?ur, ne crains rien, Dieu vit! la mort rassemble.

«Tu redeviendras ange ayant ete martyr.»

Oh! quand donc viendrez-vous? vous retrouver, c’est naitre.

Quand verrons-nous, ainsi qu’un ideal flambeau,

La douce etoile mort, rayonnante, apparaitre

A ce noir horizon qu’on nomme le tombeau?

Quand nous en irons-nous ou vous etes, colombes!

Ou sont les enfants morts et les printemps enfuis,

Et tous les chers amours dont nous sommes les tombes,

Et toutes les clartes dont nous sommes les nuits?

Vers ce grand ciel clement ou sont tous les dictames,

Les aimes, les absents, les etres purs et doux,

Les baisers des esprits et les regards des ames,

Quand nous en irons-nous? quand nous en irons-nous?

Quand nous en irons-nous ou sont l’aube et la foudre?

Quand verrons-nous, deja libres, hommes encor,

Notre chair tenebreuse en rayons se dissoudre,

Et nos pieds faits de nuit eclore en ailes d’or?

Quand nous enfuirons-nous dans la joie infinie

Ou les hymnes vivants sont des anges voiles,

Ou l’on voit, a travers l’azur de l’harmonie,

La strophe bleue errer sur les luths etoiles?

Quand viendrez-vous chercher notre humble c?ur qui sombre?

Quand nous reprendrez-vous a ce monde charnel,

Pour nous bercer ensemble aux profondeurs de l’ombre,

Sous l’eblouissement du regard eternel?

Decembre 1846.

IX. A la fenetre pendant la nuit

I

Les etoiles, points d’or, percent les branches noires;

Le flot huileux et lourd decompose ses moires

Sur l’ocean blemi;

Les nuages ont l’air d’oiseaux prenant la fuite;

Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite,

Comme un homme endormi.

Tout s’en va. La nature est l’urne mal fermee.

La tempete est ecume et la flamme est fumee.

Rien n’est hors du moment,

L’homme n’a rien qu’il prenne, et qu’il tienne, et qu’il garde.

Il tombe heure par heure, et, ruine, il regarde

Le monde, ecroulement.

L’astre est-il le point fixe en ce mouvant probleme?

Ce ciel que nous voyons fut-il toujours le meme?

Le sera-t-il toujours?

L’homme a-t-il sur son front des clartes eternelles?

Et verra-t-il toujours les memes sentinelles

Monter aux memes tours?

II

Nuits, serez-vous pour nous toujours ce que vous etes?

Pour toute vision, aurons-nous sur nos tetes

Toujours les memes cieux?

Dis, larve Aldebaran, reponds, spectre Saturne,

Ne verrons-nous jamais sur le masque nocturne

S’ouvrir de nouveaux yeux?

Ne verrons-nous jamais briller de nouveaux astres?

Et des cintres nouveaux, et de nouveaux pilastres

Luire a notre ?il mortel,

Dans cette cathedrale aux formidables porches

Dont le septentrion eclaire avec sept torches,

L’effrayant maitre-autel?

A-t-il cesse, le vent qui fit naitre ces roses,

Sirius, Orion, toi, Venus, qui reposes

Notre ?il dans le peril?

Ne verrons-nous jamais sous ces grandes haleines

D’autres fleurs de lumiere eclore dans les plaines

De l’eternel avril?

Savons-nous ou le monde en est de son mystere?

Qui nous dit, a nous, joncs du marais, vers de terre

Dont la bave reluit,

A nous qui n’avons pas nous-memes notre preuve,

Que Dieu ne va pas mettre une tiare neuve

Sur le front de la nuit?

III

Dieu n’a-t-il plus de flamme a ses levres profondes?

N’en fait-il plus jaillir des tourbillons de mondes?

Parlez, Nord et Midi!

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