parfait !' Ensuite l’histoire continue jusqu’a ce qu’il dise : 'Etes-vous d’accord, Helen ?' Et je reponds : 'Et comment !' Hein, Guy, que c’est amusant, non ? » Debout dans le couloir, il la devisageait.

« Moi, je trouve ca marrant, dit-elle.

— De quoi ca parle ?

— Je viens de te le dire. Il y a trois personnages, Bob, Ruth et Helen. — Ah bon.

— C’est vraiment amusant. Et ca le sera encore plus quand on pourra s’offrir l’installation du quatrieme mur.

Dans combien de temps crois-tu qu’on aura assez d’argent de cote pour faire remplacer la quatrieme cloison par un mur-ecran ? Ca ne represente que deux mille dollars.

— C’est-a-dire le tiers de mon salaire annuel.

— Rien que deux mille dollars. Tu pourrais bien penser a moi de temps en temps. Si on avait un quatrieme mur, ce serait comme si cette piece n’etait plus la notre, mais celle de toutes sortes de gens extraordinaires. On pourrait se passer d’un certain nombre de choses.

— On se passe deja d’un certain nombre de choses pour payer le troisieme mur. Son installation ne remonte qu’a deux mois, si tu te souviens.

— Pas plus que ca ? » Elle le regarda un long moment. « Eh bien, au revoir, mon cheri.

— Au revoir. » Il s’arreta et se retourna. « Est-ce que ca finit bien ?

— Je n’en suis pas encore arrivee la. » Il revint sur ses pas, lut la derniere page, hocha la tete, referma le document et le lui rendit.

Puis il sortit sous la pluie.

L’averse se calmait et la jeune fille marchait au milieu du trottoir, la tete rejetee en arriere, exposant son visage aux dernieres gouttes. Elle sourit en voyant Montag.

« Salut ! » Il lui rendit son salut et ajouta : « Qu’est-ce que vous mijotez a present ?

— Je continue de faire la folle. C’est bon de sentir la pluie. J’adore marcher sous la pluie.

— Je ne crois pas que j’aimerais ca.

— Il faudrait essayer pour savoir.

— Ca ne m’est jamais arrive. » Elle se lecha les levres. « Meme le gout de la pluie est agreable.

— C’est a ca que vous passez votre temps, a tater de tout au moins une fois ?

— Parfois deux. » Elle regarda quelque chose au creux de sa main.

« Qu’est-ce que vous tenez la ? dit-il.

— Je crois que c’est la derniere fleur de pissenlit de l’annee. Je ne pensais pas en trouver une sur la pelouse a cette saison. Savez-vous qu’on peut s’en frotter le menton ? Regardez. » Elle porta la fleur a son menton tout en riant.

« Et ca sert a quoi ?

— Si ca deteint, c’est que je suis amoureuse. Alors ? » Il n’avait guere d’autre choix que de regarder.

« Eh bien ? dit-elle.

— Vous avez le dessous du menton tout jaune.

— Chouette ! Essayons sur vous maintenant.

— Ca ne marchera pas avec moi.

— Attendez. » Avant qu’il ait pu faire un geste elle lui avait applique la fleur de pissenlit sous le menton. Il eut un mouvement de recul et elle eclata de rire. « Ne bougez pas comme ca ! » Elle lui examina le menton et fronca les sourcils.

« Alors ? demanda-t-il.

— Quel dommage. Vous n’etes amoureux de personne.

— Mais si !

— Ca ne se voit pas. — Je suis meme tres amoureux ! » Il s’efforca d’evoquer un visage pour confirmer ses paroles, mais en vain.

« Je vous assure !

— Je vous en prie, ne faites pas cette tete.

— C’est votre pissenlit. Tout s’est depose sur votre menton. C’est pour ca que ca que ca ne marche pas avec moi.

— Oui, ca doit etre ca. Bon, voila que je vous ai contrarie, je le vois bien. Je suis desolee, sincerement. » Elle lui effleura le coude.

« Non, non, s’empressa-t-il de repondre, tout va bien.

— Il faut que je m’en aille, alors dites-moi que vous me pardonnez. Je ne veux pas que vous soyez fache contre moi.

— Je ne suis pas fache. Contrariee oui.

— Il faut que j’aille voir mon psychanalyste a present.

On me force a y aller. J’invente des choses a lui raconter.

Je ne sais pas ce qu’il pense de moi. Il dit que je suis un veritable oignon ! Il n’en finit pas de peler mes couches.

— Je n’ai pas de mal a croire que vous ayez besoin de ce psychanalyste.

— Vous ne parlez pas serieusement. » Montag poussa un grand soupir. « Non, dit-il enfin, je ne parle pas serieusement.

— Mon psychanalyste veut savoir pourquoi je vais me promener, pourquoi je marche dans les bois, pourquoi je regarde les oiseaux et collectionne les papillons. Un jour, je vous montrerai ma collection.

— Bonne idee.

— Ils veulent savoir ce que je fais de mon temps. Je leur dis qu’il m’arrive de rester simplement assise a reflechir. Mais je ne leur dis pas a quoi. Je les fais marcher.

Il y a aussi des fois, je leur dis, ou j’aime renverser la tete, comme ca, et laisser la pluie couler dans ma bouche.

On jurerait du vin. Vous n’avez jamais essaye ?

— Non, je...

— Vous m’avez pardonne, n’est-ce pas ?

— Oui. » Il y reflechit un instant. « Oui, je vous ai pardonne. Dieu sait pourquoi. Vous etes bizarre, vous etes agacante, mais on n’a aucun mal a vous pardonner.

Vous dites que vous avez dix-sept ans ?

— Enfin... le mois prochain.

— Comme c’est curieux. Ma femme a trente ans et pourtant, il y a des fois ou vous paraissez beaucoup plus agee. Ca me depasse.

— Vous aussi, vous etes bizarre, monsieur Montag.

J’en arrive parfois a oublier que vous etes pompier. Et maintenant, est-ce que je peux encore vous facher ?

— Allez-y.

— Comment ca a commence ? Comment vous vous etes retrouve la-dedans ? Comment avez-vous choisi votre metier ? Qu’est-ce qui vous a donne l’idee de faire ce travail ? Vous n’etes pas comme les autres. J’en ai vu quelques-uns ; je sais. Quand je parle, vous me regardez.

Quand j’ai dit quelque chose a propos de la lune, hier soir, vous avez regarde la lune. Jamais les autres ne feraient ca. Les autres me planteraient la et me laisseraient parler toute seule. Ou me menaceraient. Personne n’a plus le moindre instant a consacrer aux autres. Vous etes un des rares a pouvoir me supporter. Voila pourquoi je trouve tellement bizarre que vous soyez pompier ; ca ne vous va pas du tout, dans un sens. » Il sentit son corps se scinder en deux, devenir chaleur et froidure, tendresse et durete, tremblements et impassibilite, chaque moitie grincant l’une contre l’autre.

« Vous feriez bien de filer a votre rendez-vous », dit-il.

Et elle fila, le laissant debout sous la pluie. Ce ne fut qu’au bout d’un long moment qu’il retrouva l’usage de ses membres.

Et puis, tres lentement, tout en marchant, il renversa la tete en arriere sous la pluie, meme si ce ne fut que quelques instants, et ouvrit la boucheLe Limier robot dormait sans vraiment dormir, vivait sans vraiment vivre dans sa niche qui bourdonnait tout doux, vibrait tout doux, vague halo de lumiere dans un coin sombre de la caserne. La

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