— Eh bien, dites donc, fit-il, le Larousse, vous ne vous en servez pas comme tabouret.
Lisa et Frank revinrent. Bien qu’elle marchat devant lui, il etait visible qu’il ne la contraignait pas. Ils stopperent devant Gessler et resterent silencieux. Gene, Paulo battit en retraite en direction de la verriere. Il sifflotait.
— Tu veux repeter, Lisa ? balbutia Frank.
Lisa se racla la gorge et dit a Gessler :
— J’ai dit a Frank que j’avais ete votre maitresse, Adolf.
Gessler la regarda, puis detourna la tete. Frank se pencha sur l’avocat et aboya :
— Objection, monsieur Gessler ?
— Si Lisa le dit, c’est que c’est vrai, repondit Gessler.
— Non, Frank ! hurla la jeune femme. Non, ce n’est pas vrai ! Pas vrai !
Elle se jeta sur lui, martelant a coups de poings maladroits la poitrine de son amant. Il la repoussa si brutalement qu’elle tomba sur le plancher. Gessler voulut l’aider a se relever, mais Frank s’interposa.
— Laissez-la !
Lisa ne cherchait pas a se remettre debout. Affalee sur le sol, elle protestait, folle d’indignation :
— J’ai dit ca parce que tu m’as demande de le dire ; afin de faire une experience et te prouver que… J’etais tellement certaine que M. Gessler… Adolf ! implora-t-elle, je vous en supplie, dites-lui la verite. Dites-lui qu’il n’y a jamais rien eu entre nous ! Pourquoi n’avez-vous pas proteste !
Gessler se cacha le visage dans ses mains.
— Je vous demande pardon, Lisa. Mais c’etait un mensonge trop doux a entendre pour que je le rejette !
— Oui, oui ! cria Lisa en se relevant. Un mensonge ! Tu entends, Frank ? Rien qu’un mensonge que tu as toi-meme invente.
Le silence qui suivit leur fit mal a tous.
— Paulo, ordonna brusquement l’evade, redescends avec elle !
Paulo renifla. Sa figure etait toute ramassee autour de son gros nez pustuleux.
— Ecoute, Frank, meme si elle a fait ca…
— Elle a fait ca, Paul, dit Frank, elle l’a fait.
Son expression etait terrible.
— Mais non, protesta Lisa en sanglotant. Mais non, Frank, je te jure…
— Allons, venez, fit Paulo, compatissant, en la prenant aux epaules.
— Frank, murmura-t-elle, tu es devenu aussi dur et froid que les murs de ta prison.
Frank leva le poing sur elle, pret a cogner.
— He ! Franky ! hurla Paulo, c’est ta femme !
— Ma femme, soupira Frank en laissant retomber son bras.
Il regarda Paulo entrainer Lisa, et il ressentit une immense navrance.
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— Vous vous prenez pour quelqu’un d’interessant, n’est-ce pas ? fit Gessler.
Comme son tourmenteur ne repondait pas, il poursuivit :
— Vous croyez etre un cas, en fait vous n’etes qu’un petit gangster qui a lu Shakespeare. Vous avez l’orgueil des hommes du milieu sans en avoir le panache. Crapule pour crapule, je prefere les vraies.
— Asseyez-vous ! ordonna Frank.
— Non, merci.
Frank le poussa. Gessler fit un pas en arriere, mais ses jambes buterent contre la banquette et il dut s’y asseoir.
— On a encore des choses a se dire ! affirma l’evade.
Gessler rajusta sa cravate et dit en tirant sur les plis de son pantalon :
— Tout ce que nous avions a nous dire, nous nous le sommes dit dans votre cellule avant le proces.
— Ce n’est pas mon avis. Le petit-gangster-qui-a-lu-Shakespeare va vous raconter comment ca s’est passe entre elle et vous.
Frank parut se recueillir.
— Lisa est venue a Hambourg comme on rentre dans une eglise pour se rapprocher de Dieu. Dans une