ardeurs en me pointant un gros calibre sur le c?ur.

— On se calme, commissaire.

— Comment mon fils se trouve-t-il ici ?

— Vous le lui demanderez en temps utile… si un jour vous vous revoyez.

Paco m'empoigne par le bras, me fait grimper un escalier en colis-de-macon, comme dit Beru qui me manque tant en cet instant d'horreur totale.

On se retrouve dans le jardin, pres de la grille d'entree.

— Votre fils n'est pas mort. Juste endormi. Mais que les choses soient bien claires : je n'ai aucune dette envers lui et le tuer ne me posera aucun cas de conscience. Alors vous allez quitter immediatement l'Italie. Dans quelques jours, je le libererai et nous serons quittes. C'est le mieux que je puisse vous proposer, d'accord ?

— Est-ce que j'ai le choix ?

Paco ecarte le portail pour ma levee d'ecrou. Le petit Diego m'apercoit de son tricyle et se precipite vers moi en braillant « otra vez ! otra vez ! » Il se jette dans mes bras et nous nous etreignons sous le regard attendri de sa mere.

Agace, Paco m'arrache le gamin des bras et me pousse vers la sortie.

— N'oubliez pas, commissaire : la vie de votre fils est en jeu. Si la malencontreuse idee vous venait d'alerter les flics locaux, j'en serais aussitot informe, ils me mangent tous dans la main.

Chapitre Cat

(because un chat va jouer un role primordial dans les pages a venir)

Je me precipite dans le premier troquet venu et commande un Limoncello.

Une brunette qui cultive le cresson noir sous les bras me signifie que la turne n'a pas la licence d'alcool, force m'est de me rabattre sur un cappuccino.

Je n'arrive pas a rassembler mes idees, comme si un petit malin avait joue au mikado avec mes neurones. Le raisin palpite dans mes tempes et mon guignol breloque sous les poils agreablement frises de mon poitrail.

Des pensees, des impressions, des sensations se bousculent au portillon de mon esprit. Comment Antoine s'est-il retrouve dans les pattes du Balafre ? A-t-il une chance de s'en sortir ? Et puis surtout… Qu'est-ce que je peux faire, gros con comme devant que je suis ?

Je m'evertue a placer le quarte-quinte-plus de mes idees dans l'ordre. Le premier truc a evacuer, c'est l'espoir d'une intervention des poulardins du cru. Meme en passant par le maire de la ville ou le president de la Republique, immanquablement l'un des matuches vendus serait au parfum et alerterait le Colombien. Je te jure que ce mec liquiderait mon fils en toute priorite. Il a mal digere de ne pas m'executer et il y a gros a parier que, sans sa bergere, je serais deja quelque part sous un massif de borniolas a feuilles caduques.

Quelle solution me reste-t-il ? Lui faire confiance, rentrer en France et attendre un bon geste de sa part ? Je ne crois pas un instant qu'un leader dealer comme Paco puisse se permettre de liberer Junior. Ca finira forcement par une balle dans la tronche. Moralite ? Je dois agir tout de suite et seul. Oui, mais comment ?

Je glisse machinalement la main dans ma poche et frole le metal glace de mon calibre. D'habitude, ce genre de contact me redonne du baume au c?ur, mais la je sais que le malheureux est prive de bapteme puisque vide de ses dragees. Dans sa triste nudite, mon Manurhin haute epoque vaut a peine plus qu'un coup de poing americain et moins qu'un Opinel[11].

A ce propos, fute comme je te sais, tu dois te demander comment se fait-ce que j'aie pu apporter mon arme en avion jusqu'a Rome ? Tu te dis que ton San-A est une huile et que tous les passe-droits lui sont ouverts. Erratum, mon pote ! Il existe une nouvelle methode, mise au point par Mathias, pour faire echapper un flingue a toutes les fouilles douanieres. Seulement mon chef supreme[12], au nom de la securite publique, m'a interdit de la devoiler. Alors tu devras te contenter de ton rasoir pour detourner le prochain zinc.

Quand tu gamberges dans l'urgence, tu emets toutes les hypotheses, a commencer par les plus farfelues. Je me vois penetrant dans une armurerie et braquant le taulier pour qu'il garnisse mon calibre de valdas. Tres vite, je realise qu'on est dimanche, que tous les magasins sont fermes et qu'a bien y reflechir, je suis un poulet, pas un truand.

Je carme mon cafe et m'apprete a sortir du bistrot lorsqu'un type baraque facon armoire normande dont on aurait scie les pieds s'encadre devant moi. Il appartient notoirement a l'ethnie sud-americaine.

Souriant comme un zigue qui souffre d'hemorroides, il me tend un telephone portable.

— C'est pour vous ! articule-t-il dans la langue de Moliere, matinee Cervantes.

Hebete et incredule, je m'empare du bigophone. L'organe grave (dans tous les sens du terme) de Paco s'introduit dans mes portugaises.

— Ce n'est pas raisonnable pour la sante de votre fils, commissaire. Je vous ai demande de partir, pas d'aller boire un cappuccino en face de chez moi.

— Je voulais juste commander un taxi ! retorque-je, plus minable que ta derniere erection.

A l'autre bout de l'absence de fil, le zebre de la joue gauche ricane.

— Pas la peine, Chico va vous accompagner a l'aeroport.

— Chico, c'est le beau bebe qui se trouve en face de moi ?

— Lui-meme. C'est un artiste dans son genre. Mais je ne vous conseille pas de lui servir de modele, Senor Antonio, parce que sa specialite, c'est la sculpture sur viande.

— C'est bon, je file. Mais je te previens…

Paco me coupe la parole d'un ton sans replique.

— Pas de menace ! Si dans deux heures Chico ne m'annonce pas que vous avez decolle pour Paris, j'abats votre fils.

* * *

De sa cellule, Antoine observait a travers les barreaux du soupirail le petit garcon qui sucait une glace a la vanille. Le gelato lui degoulinait le long des doigts. Un petit chat rouquin et famelique suivait le gamin, lechant les gouttelettes tombees a terre.

D'un coup de sifflet leger, Antoine attira l'attention de l'enfant.

— Ola, nino ! Tengo hambre ! (eh, petit, j'ai faim !).

Le premier reflexe du mome fut de proteger sa glace, puis il adressa au prisonnier un sourire complice qui lui rechauffa le c?ur.

— Aspetta ! (Attends !) chuchota le gamin qui comprenait l'espagnol mais repondait en italien. Momento ! (Un instant !)

Diego s'eclipsa et revint quelques instants plus tard avec sa maman qui s'agenouilla devant le soupirail.

— Que voulez-vous ? demanda la femme, a voix basse.

— J'ai faim ! repeta Antoine. S'il vous plait, apportez-moi a manger.

La mere de Diego regarda plusieurs fois autour d'elle avant de se relever en geignant sous l'effet de l'effort accompli.

— Vengo subito (je reviens tout de suite).

Quelques minutes plus tard, la femme reapparut et tendit un sandwich au jambon de Parme si copieux qu'il eut de la peine a passer a travers les barreaux.

— Gracias ! fit Antoine. Comment t'appelles-tu ?

La fille s'assura que personne ne l'observait. Seul Diego etait dans les parages, moulinant sur son petit velo.

— Conchita ! repondit la jeune femme.

Passant deux doigts de l'autre cote de la grille, Antoine effleura sa main.

— J'ai envie de toi, dit-il dans un souffle.

Choquee, mais troublee, l'epouse de Paco se retira aussi vite que le lui permettait son ventre bombe. Parce qu'il etait le fils de San-Antonio, Antoine presuma que la jeune femme, la nuit suivante, ferait l'amour en pensant

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