verticale. Verticale a cause du sol ; les arbres poussaient horizontalement sur les parois du rayon et ils auraient ridiculise n’importe quel sequoia.

Pour exercer la Grande Secousse, Gaia commencait par priver la foret d’humidite pendant plusieurs semaines. Elle devenait le plus grand bucher jamais imagine. Il ne lui etait pas necessaire d’exercer une pression importante pour deloger les arbres par millions et les faire degringoler dans les tenebres. C’est ce qu’elle avait fait avec Ocean, enflammant les arbres dans leur chute puis refermant la valve inferieure du rayon. La tempete de feu avait grille Ocean jusqu’a la roche. Apparemment, ca l’avait impressionne puisqu’il s’etait ecoule dix mille ans avant qu’il n’ose defier a nouveau Gaia.

Les heures passerent et Cirocco n’etait toujours pas revenue. Elle avait parcouru les escaliers menant aux cerveaux regionaux bien assez souvent pour savoir a quelques minutes pres la duree du trajet. Il avait semble improbable qu’elle passat plus d’une heure avec Phebe mais cette heure s’etait largement ecoulee, marquee par les lents mouvements de l’horloge gyroscopique et toujours pas trace de Cirocco. Lorsque Gaia eut encore acheve un rev de soixante et une minutes, Chris se joignit a la conference pour decider s’il fallait ou non poser le camp. L’idee ne soulevait guere d’enthousiasme bien que Robin et Chris fussent debout depuis fort longtemps. Gaby ne voulait meme pas en entendre parler ; chacun savait avec certitude, sans avoir a le dire, qu’elle ne tarderait pas a partir a la recherche de sa vieille amie, avec ou sans aide.

Chris s’ecarta du groupe et s’allongea sur le sol sec. Le corps oriente dans le sens nord-sud, il posa l’horloge gaienne sur son ventre, l’axe dans le plan de rotation est-ouest. Il ne pouvait pas plus observer son mouvement qu’il n’aurait pu voir de l’eau geler mais il suffisait qu’il detourne les yeux et regarde a nouveau pour que son avance fut apparente. Ils avaient aussi une horloge mecanique, plus utile car fonctionnant en permanence, quelle que soit son orientation mais celle-ci, c’etait pour le plaisir. Il avait presque l’impression de sentir Gaia tourner au-dessous de lui. Cela lui rappela une sensation similaire, eprouvee par une nuit sans nuages, la-bas sur Terre : brusquement, il eut envie d’etre de retour chez lui, gueri ou pas. Etre submerge par l’immensite d’une nuit etoilee, ce n’etait pas la meme chose que sentir, invisible mais present, le paradis vous dominer du haut de la colonne sombre du rayon.

« Bouclez-moi ces sacs, bande de baudets bavards !

— Et si c’est moi qui vous chevauchais, pour une fois, capitaine ? cria Cornemuse.

— Eh, Rocky, comment tu fais pour tenir debout aussi longtemps ? »

Son retour ramena Chris des franges du sommeil. Le groupe s’etait transforme en un tourbillon d’energie, canalise par Cirocco, pour lever le camp provisoire et rembarquer sur les canoes. Mais finalement, Gaby posa la question qui brulait toutes les levres :

« Comment ca s’est passe, Rocky ?

— Pas mal, pas mal, je suppose. Elle etait plus… bavarde que jamais. J’ai presque eu l’impression que c’etait elle qui…» Elle leva les yeux, fixa son regard sur Chris puis pinca les levres. « Je vous raconterai plus tard. Mais je suis nerveuse. Sans parvenir a mettre le doigt dessus, j’ai comme l’impression qu’elle mijotait quelque chose. Plus vite nous serons partis, mieux je me sentirai.

— Moi aussi, dit Gaby. Decollons d’ici. »

Chris avait lui aussi ses soucis en enfourchant Valiha. Il avait les paumes moites, l’estomac souleve et le corps parcouru de vagues brulantes. Ces symptomes, combines au pressentiment qui s’insinuait en lui, le rendaient plus que certain de l’imminence d’une nouvelle crise.

Et apres ? T’en fais pas, laisse passer ; ils sont bien capables de se demerder tout seuls. Si quelqu’un se blessait, ce serait probablement lui, et pas eux. Ce n’etait pas la premiere fois que l’idee lui venait d’avertir quelqu’un de l’arrivee d’une crise. Et, comme d’habitude, il decida du contraire, puis changea d’avis, puis a nouveau decida de ne rien en dire. Quelque chose en lui savait que ce processus de valse-hesitation etait la meilleure defense car il y avait peu de chance qu’il agit avant qu’il ne soit trop tard.

Non ! Pas cette fois-ci. Il se tourna vers Gaby qui chevauchait a un metre sur sa droite. Ce faisant, il remarqua du coin de l’?il que Valiha avait tourne la tete pour l’observer et decela, dans la direction opposee, l’eclair d’un mouvement.

Il le vit une fraction de seconde avant Valiha : une gueule beante herissee de pointes qui grossissait silencieusement, un simple cercle coupe par une mince ligne horizontale. Il etait tres loin et soudain sur eux, tout simplement. En un rien de temps.

Il sauta, frappa Gaby avec assez de force pour la desarconner de Psalterion.

« A terre ! Pied a terre ! » hurla-t-il tandis que Valiha criait l’alarme en titanide.

Le son les frappa comme un coup de poing, aussi solide qu’une avalanche, lorsque le bombourdon alluma sa torche pour accelerer a un metre a peine du sol. L’air vibra au rythme de son moteur puis Chris fut aveugle comme si une ampoule de flash avait explose dans ses yeux ; avec l’effet doppler, le son degringola la gamme. Chris se passa la main derriere la tete et sentit boucler ses cheveux crames.

Gaby se degagea d’en dessous de lui, cherchant sa respiration. Robin etait accroupie, a dix metres de la. Elle avait les mains serrees devant elles. Un fin pinceau de lumiere blanc bleute jaillit de ses poings, puis un second juste apres. Les minuscules projectiles claquerent comme des feux de Bengale, bien loin de leur but.

« Il est venu du cable, cria Cirocco. Tout le monde par terre. »

Chris obtempera, puis rampa pour avoir dans son champ de vision l’eminence sombre qui se detachait sur le fond des sables de Tethys. Il se rendit compte que c’etait cela qui les avait sauves ; il avait apercu le deplacement du bombourdon avant qu’il ne soit en palier, durant la derniere partie de sa chute depuis son perchoir sur le cable.

« En voila un autre ! » avertit Cirocco. Chris essaya de rentrer le ventre dans sa colonne vertebrale. Le second assaillant vrombit sur sa droite, suivi par deux autres, en formation, a quelques secondes d’intervalle.

« Je n’aime pas ca, cria Gaby, tout pres de l’oreille de Chris. Les Titanides sont trop grosses et le sol est trop plat. » Chris se tourna pour decouvrir son visage, a quelques centimetres du sien, macule de poussiere. Il sentit qu’on lui pressait energiquement la main. « Merci, murmura-t-elle.

— Moi non plus, je n’aime pas ca, leur cria Cirocco. Mais on ne peut pas se relever maintenant.

— Alors, rampe jusque vers l’endroit le plus bas que tu trouveras, suggera Gaby. Allez, dit-elle d’une voix calme. Psalterion a trouve un trou. »

La Titanide brune etait a deux metres derriere eux au centre d’une depression qui ne devait pas, meme avec une estimation optimiste, faire plus de quarante centimetres de profondeur. Gaby lui donna une tape sur le flanc tandis que Chris se faufilait a leur cote.

« Ne te releve pas pour regarder le paysage, mon vieux, dit Gaby.

— Surement pas. Et vous patron, gardez la tete baissee. » Psalterion toussa, faisant un bruit bizarre et curieusement melodieux.

« Tu te sens bien ? demanda Gaby.

— J’ai touche le sol un peu rudement, se contenta-t-il de dire.

— On demandera a Hautbois de t’examiner, des qu’on sera sortis de la. Bordel ! » Elle s’essuya la main contre son pantalon. « Qui aurait cru qu’on se planterait dans la seule flaque de boue de toute cette foutue colline ?

— Au nord-ouest ! » les prevint Valiha, depuis une position invisible pour Chris. Il ne chercha pas a decouvrir le bombourdon qui s’approchait mais reussit a se faire encore plus petit et plus plat qu’il ne l’aurait cru possible. Le monstre passa en vrombissant, encore une fois suivi par deux autres. Il se demanda pourquoi le premier etait passe en solo.

Lorsqu’il risqua un coup d’?il, ce fut au moment precis ou l’un d’eux se laissait tomber le long du cable. Ce n’etait qu’un point et il devait bien s’etre lache d’une hauteur de trois mille metres. Il s’etait accroche la-haut, le nez pointe vers le bas, attendant le moment propice. Il aurait pu venir vers eux lorsqu’ils approchaient du cable mais avait eu assez de jugeote pour savoir qu’en repartant le groupe aurait le dos tourne.

Celui-ci semblait egalement se rendre compte qu’il etait desormais inutile d’attaquer. Il passa a cinquante metres au-dessus d’eux, avec un insolent vrombissement de defi. Un second alluma sa tuyere peu apres s’etre decroche du cable et ne put resister a l’envie de faire un passage a peu pres a la meme altitude. Grave erreur, car il offrait ainsi a Robin une cible ideale : large, a bonne portee, avec assez de temps pour lui permettre de viser et trois essais pour toucher au but. Elle fit mouche au second et au troisieme coup. Chris put toutefois voir parfaitement la silhouette rapide lorsqu’elle fut prise dans le double eclair des balles explosives. C’etait un cylindre renfle, a l’arriere effile, avec des ailes rigides et un double empennage. Il y avait un ?il sous un repli de l’aile. Le

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