L’Esprit d’Amour a conquis la force, resultat de toutes les passions terrestres vaincues, il aime aveuglement Dieu ; mais l’Esprit de Sagesse a l’intelligence et sait pourquoi il aime. Les ailes de l’un sont deployees et l’emportent vers Dieu, les ailes de l’autre sont repliees par la terreur que lui donne la Science : il connait Dieu. L’un desire incessamment voir Dieu et s’elance vers lui, l’autre y touche et tremble. L’union qui se fait d’un Esprit d’amour et d’un Esprit de Sagesse met la creature a l’etat divin pendant lequel son ame est FEMME, et son corps est HOMME, derniere expression humaine ou l’Esprit l’emporte sur la Forme, ou la forme se debat encore contre l’Esprit divin ; car la forme, la chair, ignore, se revolte, et veut rester grossiere. Cette epreuve supreme engendre des souffrances inouies que les cieux voient seuls, et que le Christ a connues dans le jardin des Oliviers. Apres la mort le premier ciel s’ouvre a cette double nature humaine purifiee. Aussi les hommes meurent-ils dans le desespoir, tandis que l’Esprit meurt dans le ravissement. Ainsi le NATUREL, etat dans lequel sont les etres non regeneres ; le SPIRITUEL, etat dans lequel sont les Esprits Angeliques ; et le DIVIN, etat dans lequel demeure l’Ange avant de briser son enveloppe, sont les trois degres de l’ exister par lesquels l’homme parvient au ciel. Une pensee de Swedenborg vous expliquera merveilleusement la difference qui existe entre le NATUREL et le SPIRITUEL :
— Pour les hommes, dit-il, le Naturel passe dans le Spirituel, ils considerent le monde sous ces formes visibles et le percoivent dans une realite propre a leurs sens. Mais pour l’Esprit Angelique, le Spirituel passe dans le Naturel, il considere le monde dans son esprit intime, et non dans sa forme. Ainsi, nos sciences humaines ne sont que l’analyse des formes. Le savant selon le monde est purement exterieur comme son savoir, son interieur ne lui sert qu’a conserver son aptitude a l’intelligence de la verite. L’Esprit Angelique va bien au dela, son savoir est la pensee dont la science humaine n’est que la parole ; il puise la connaissance des choses dans le Verbe, en apprenant LES CORRESPONDANCES par lesquelles les mondes concordent avec les cieux. LA PAROLE de Dieu fut entierement ecrite par pures Correspondances, elle couvre un sens interne ou spirituel qui, sans la science des Correspondances, ne peut etre compris. Il existe, dit Swedenborg (Doctrine celeste, 26), des ARCANES innombrables dans le sens interne des Correspondances. Aussi les hommes qui se sont moques des livres ou les prophetes ont recueilli la Parole etaient- ils dans l’etat d’ignorance ou sont ici-bas les hommes qui ne savent rien d’une science, et se moquent des verites de cette science. Savoir les Correspondances de la Parole avec les cieux, savoir les Correspondances qui existent entre les choses visibles et ponderables du monde terrestre et les choses invisibles et imponderables du monde spirituel, c’est avoir les cieux dans son entendement. Tous les objets des diverses creations etant emanes de Dieu comportent necessairement un sens cache, comme le disent ces grandes paroles d’Isaie : La terre est un vetement (Isaie, 5, 6). Ce lien mysterieux entre les moindres parcelles de la matiere et les cieux constitue ce que Swedenborg appelle un ARCANE CELESTE. Aussi son traite des Arcanes Celestes, ou sont expliquees les Correspondances ou signifiances du Naturel au Spirituel, devant donner, suivant l’expression de Jacob Boehm, la signature de toute chose, n’a-t-il pas moins de seize volumes et de treize mille propositions. « Cette connaissance merveilleuse des Correspondances, que la bonte de Dieu permit a Swedenborg d’avoir, dit un de ses disciples, est le secret de l’interet qu’inspirent ses ouvrages. Selon ce commentateur, la tout derive du ciel, tout rappelle au ciel. Les ecrits du prophete sont sublimes et clairs : il parle dans les cieux et se fait entendre sur la terre ; sur une de ses phrases, on ferait un volume. » Et le disciple cite celle-ci entre mille autres : Le royaume du ciel, dit Swedenborg (Arcan. celes.), est le royaume des motifs.
L’ACTION se produit dans le ciel, de la dans le monde, et par degres dans les infiniment petits de la terre ; les effets terrestres etant lies a leurs causes celestes, font que tout y est CORRESPONDANT et SIGNIFIANT. L’homme est le moyen d’union entre le Naturel et le Spirituel. Les Esprits Angeliques connaissent donc essentiellement les Correspondances qui relient au ciel chaque chose de la terre, et savent le sens intime des paroles prophetiques qui en denoncent les revolutions. Ainsi, pour ces Esprits, tout ici-bas porte sa signifiance. La moindre fleur est une pensee, une vie qui correspond a quelques lineaments du Grand-Tout, duquel ils ont une constante intuition. Pour eux, L’ADULTERE et les debauches dont parlent les Ecritures et les prophetes, souvent estropies par de soi-disant ecrivains, signifient l’etat des ames qui dans ce monde persistent a s’infecter d’affections terrestres, et continuent ainsi leur divorce avec le ciel.
Les nuees signifient les voiles dont s’enveloppe Dieu. Les flambeaux, les pains de proposition, les chevaux et les cavaliers, les prostituees, les pierreries, tout, dans l’ECRITURE, a pour eux un sens exquis, et revele l’avenir des faits terrestres dans leurs rapports avec le ciel. Tous peuvent penetrer la verite des ENONCES de saint Jean, que la science humaine demontre et prouve materiellement plus tard, tels que celui-ci : « Gros, dit Swedenborg, de plusieurs sciences humaines. » Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre, car le premier ciel et la premiere terre etaient passes (Ap., XXI, 1). Ils connaissent les festins ou l’on mange la chair des rois, des hommes libres et des esclaves, et auxquels convie un Ange debout dans le soleil (Apocal., XIX, 11 a 18). Ils voient la femme ailee, revetue du soleil, et l’homme toujours arme (Apocal.). Le cheval de l’Apocalypse est, dit Swedenborg, l’image visible de l’intelligence humaine montee par la mort, car elle porte en elle son principe de destruction. Enfin, ils reconnaissent les peuples caches sous des formes qui semblent fantastiques aux ignorants. Quand un homme est dispose a recevoir l’insufflation prophetique des Correspondances, elle reveille en lui l’esprit de la Parole ; il comprend alors que les creations ne sont que des transformations ; elle vivifie son intelligence et lui donne pour les verites une soif ardente qui ne peut s’etancher que dans le ciel. Il concoit, suivant le plus ou le moins de perfection de son interieur, la puissance des Esprits Angeliques, et marche, conduit par le Desir, l’etat le moins imparfait de l’homme non regenere, vers l’Esperance qui lui ouvre le monde des Esprits, puis il arrive a la Priere qui lui donne la clef des Cieux. Quelle creature ne desirerait se rendre digne d’entrer dans la sphere des intelligences qui vivent secretement par l’Amour ou par la Sagesse ? Ici-bas, pendant leur vie, ces Esprits restent purs ; ils ne voient, ne pensent et ne parlent point comme les autres hommes. Il existe deux perceptions : l’une interne, l’autre externe ; l’Homme est tout externe, l’Esprit Angelique est tout interne. L’Esprit va au fond des Nombres, il en possede la totalite, connait leurs signifiances. Il dispose du mouvement et s’associe a tout par l’ubiquite : Un ange, selon le Prophete Suedois, est present a un autre quand il le desire (Sap, Ang. De Div. AM.) ; car il a le don de se separer de son corps, et voit les cieux comme les prophetes les ont vus, et comme Swedenborg les voyait lui-meme. « Dans cet etat, dit-il (Vraie Religion, 136), l’esprit de l’homme est transporte d’un lieu a un autre, le corps restant ou il est, etat dans lequel j’ai demeure pendant vingt-six annees. » Nous devons entendre ainsi toutes les paroles bibliques ou il est dit : L’esprit m’emporta. La Sagesse angelique est a la Sagesse humaine ce que les innombrables forces de la nature sont a son action, qui est une. Tout revit, se meut, existe en l’Esprit, car il est en Dieu : ce qu’expriment ces paroles de saint Paul : « In Deo sumus, movemur, et vivimus ; nous vivons, nous agissons, nous sommes en Dieu. » La Terre ne lui offre aucun obstacle, comme la Parole ne lui offre aucune obscurite. Sa divinite prochaine lui permet de voir la pensee de Dieu voilee par le Verbe, de meme que vivant par son interieur, l’Esprit communique avec le sens intime cache sous toutes les choses de ce monde. La Science est le langage du monde Temporel, l’Amour est celui du monde Spirituel. Aussi l’homme decrit-il plus qu’il n’explique, tandis que l’Esprit Angelique voit et comprend. La Science attriste l’homme, l’amour exalte l’Ange. La Science cherche encore, l’Amour a trouve. L’Homme juge la nature dans ses rapports avec elle ; l’Esprit Angelique la juge dans ses rapports avec le ciel.
Enfin tout parle aux Esprits. Les Esprits sont dans le secret de l’harmonie de creations entre elles ; ils s’entendent avec l’esprit des sons, avec l’esprit des couleurs, avec l’esprit des vegetaux ; ils peuvent interroger le mineral, et le mineral repond a leurs pensees. Que sont pour eux les sciences et les tresors de la terre, quand ils les etreignent a tout moment par leur vue, et que les mondes dont s’occupent tant les hommes, ne sont pour les Esprits que la derniere marche d’ou ils vont s’elancer a Dieu ? L’Amour du ciel ou la sagesse du ciel s’annoncent en eux par un cercle de lumiere qui les entoure et que voient les Elus.
Leur innocence, dont celle des enfants est la forme exterieure, a la connaissance des choses que n’ont point les enfants : ils sont innocents et savants. — « Et, dit Swedenborg, l’innocence des cieux fait une telle impression sur l’ame, que ceux qu’elle affecte en gardent un ravissement qui dure toute leur vie, comme je l’ai moi-meme eprouve. Il suffit peut-etre, dit-il encore, d’en avoir une minime perception pour etre a jamais change, pour vouloir aller aux cieux et entrer ainsi dans la sphere de l’Esperance. » Sa doctrine sur les mariages peut se reduire a ce peu de mots : « Le Seigneur a pris la beaute, l’elegance de la vie de l’homme et l’a transportee dans la femme.