Quand l’homme n’est pas reuni a cette beaute, a cette elegance de sa vie, il est severe, triste et farouche ; quand il y est reuni, il est joyeux, il est complet. » Les Anges sont toujours dans le point le plus parfait de la beaute. Leurs mariages sont celebres par des ceremonies merveilleuses. Dans cette union, qui ne produit point d’enfants, l’homme a donne L’ENTENDEMENT, la femme a donne la VOLONTE : ils deviennent un seul etre, UNE SEULE chair ici-bas ; puis ils vont aux cieux apres avoir revetu la forme celeste. Ici-bas, dans l’etat naturel, le penchant mutuel des deux sexes vers les voluptes est un EFFET qui entraine et fatigue et degout ; mais sous sa forme celeste, le couple devenu le meme Esprit trouve en lui-meme une cause incessante de voluptes.

Swedenborg a vu ce mariage des Esprits, qui, selon saint Luc, n’a point de noces (20, 35), et qui n’inspire que des plaisirs spirituels. Un Ange s’offrit a le rendre temoin d’un mariage, et l’entraina sur ses ailes (les ailes sont un symbole et non une realite terrestre).

Il le revetit de sa robe de fete, et quand Swedenborg se vit habille de lumiere, il demanda pourquoi. — Dans cette circonstance, repondit l’Ange, nos robes s’allument, et se font nuptiales. (Deliciae sap. de am. conj., 19, 20, 21.) Il apercut alors deux Anges qui vinrent, l’un du Midi, l’autre de l’Orient ; l’Ange du Midi etait dans un char attele de deux chevaux blancs dont les renes avaient la couleur et l’eclat de l’aurore ; mais quand ils furent pres de lui, dans le ciel, il ne vit plus ni les chars ni les chevaux. L’Ange de l’Orient vetu de pourpre, et l’Ange du Midi vetu d’hyacinthe accoururent comme deux souffles et se confondirent : l’un etait un Ange d’Amour, l’autre etait un Ange de Sagesse. Le guide de Swedenborg lui dit que ces deux Anges avaient ete lies sur la terre d’une amitie interieure et toujours unis, quoique separes par les espaces. Le consentement qui est l’essence des bons mariages sur la terre, est l’etat habituel des Anges dans le ciel. L’amour est la lumiere de leur monde. Le ravissement eternel des Anges vient de la faculte que Dieu leur communique de lui rendre a lui-meme la joie qu’ils en eprouvent. Cette reciprocite d’infini fait leur vie. Dans le ciel, ils deviennent infinis en participant de l’essence de Dieu qui s’engendre par lui-meme. L’immensite des cieux ou vivent les Anges est telle, que si l’homme etait doue d’une vue aussi continuellement rapide que l’est la lumiere en venant du soleil sur la terre et qu’il regardat pendant l’eternite, ses yeux ne trouveraient pas un horizon ou se reposer. La lumiere explique seule les felicites du ciel. C’est, dit-il (Sap., Aug, 7, 15, 26, 27), une vapeur de la vertu de Dieu, une emanation pure de sa clarte, aupres de laquelle notre jour le plus eclatant est l’obscurite. Elle peut tout, renouvelle tout et ne s’absorbe pas ; elle environne l’Ange et lui fait toucher Dieu par des jouissances infinies que l’on sent se multiplier infiniment par elles-memes. Cette lumiere tue tout homme qui n’est pas prepare a la recevoir. Nul ici-bas, ni meme dans le ciel, ne peut voir Dieu et vivre. Voila pourquoi il est dit (Ex. XIX, 12, 13, 21, 22, 23) : La montagne ou Moise parlait au Seigneur etait gardee de peur que quelqu’un ne venant a y toucher, ne mourut. Puis encore (Ex. XXXIV, 29–35) : Quand Moise apporta les secondes Tables, sa face brillait tellement, qu’il fut oblige de la voiler pour ne faire mourir personne en parlant au peuple. La transfiguration de Jesus-Christ accuse egalement la lumiere que jette un Messager du ciel et les ineffables jouissances que trouvent les Anges a en etre continuellement imbus. Sa face, dit saint Mathieu (XVII, 1–5) resplendit comme le soleil, ses vetements devinrent comme la lumiere, et un nuage couvrit ses disciples. Enfin, quand un astre n’enferme plus que des etres qui se refusent au Seigneur, que sa parole est meconnue, que les Esprits Angeliques ont ete assembles des quatre vents, Dieu envoie un Ange exterminateur pour changer la masse du monde refractaire qui, dans l’immensite de l’univers, est pour lui ce qu’est dans la nature un germe infecond. En approchant du Globe, l’Ange Exterminateur porte sur une comete le fait tourner sur son axe : les continents deviennent alors le fond des mers, les plus hautes montagnes deviennent des iles, et les pays jadis couverts des eaux marines, renaissent pares de leur fraicheur en obeissant aux lois de la Genese ; la parole de Dieu reprend alors sa force sur une nouvelle terre qui garde en tous lieux les effets de l’eau terrestre et du feu celeste. La lumiere, que l’Ange apporte d’En-Haut, fait alors palir le soleil. Alors, comme dit Isaie (19–20) : Les hommes entreront dans des fentes de rochers, se blottiront dans la poussiere. Ils crieront (Apocalypse, VII, 15–17) aux montagnes : Tombez sur nous ! A la mer : Prends-nous ! Aux airs : Cachez-nous de la fureur de l’Agneau ! L’Agneau est la grande figure des Anges meconnus et persecutes ici-bas. Aussi Christ a-t-il dit : Heureux ceux qui souffrent ! Heureux les simples ! Heureux ceux qui aiment ! Tout Swedenborg est la : Souffrir, Croire, Aimer. Pour bien aimer, ne faut-il pas avoir souffert, et ne faut-il pas croire ? L’Amour engendre la Force, et la Force donne la Sagesse ; de la, l’Intelligence ; car la Force et la Sagesse comportent la Volonte. Etre intelligent, n’est-ce pas Savoir, Vouloir et Pouvoir, les trois attributs de l’Esprit Angelique. « — Si l’univers a un sens, voila le plus digne de Dieu !  » me disait monsieur Saint-Martin que je vis pendant le voyage qu’il fit en Suede. — Mais, monsieur, reprit monsieur Becker apres une pause, que signifient ces lambeaux pris dans l’etendue d’une ?uvre de laquelle on ne peut donner une idee qu’en la comparant a un fleuve de lumiere, a des ondees de flammes ? Quand un homme s’y plonge, il est emporte par un courant terrible. Le poeme de Dante Alighieri fait a peine l’effet d’un point, a qui veut se plonger dans les innombrables versets a l’aide desquels Swedenborg a rendu palpables les mondes celestes, comme Beethoven a bati ses palais d’harmonie avec des milliers de notes, comme les architectes ont edifie leurs cathedrales avec des milliers de pierres. Vous y roulez dans des gouffres sans fin, ou votre esprit ne vous soutient pas toujours. Certes ! il est necessaire d’avoir une puissante intelligence pour en revenir sain et sauf a nos idees sociales.

— Swedenborg, reprit le pasteur, affectionnait particulierement le baron de Seraphitz, dont le nom, suivant un vieil usage suedois, avait pris depuis un temps immemorial la terminaison latine us. Le baron fut le plus ardent disciple du Prophete suedois qui avait ouvert en lui les yeux de l’Homme Interieur, et l’avait dispose pour une vie conforme aux ordres d’En-Haut. Il chercha parmi les femmes un Esprit Angelique, Swedenborg le lui trouva dans une vision. Sa fiancee fut la fille d’un cordonnier de Londres, en qui, disait Swedenborg, eclatait la vie du ciel, et dont les epreuves anterieures avaient ete accomplies. Apres la transformation du Prophete, le baron vint a Jarvis pour faire ses noces celestes dans les pratiques de la priere. Quant a moi, monsieur, qui ne suis point un Voyant, je ne me suis apercu que des ?uvres terrestres de ce couple : sa vie a bien ete celle des saints et des saintes dont les vertus sont la gloire de l’Eglise romaine. Tous deux, ils ont adouci la misere des habitants, et leur ont donne a tous une fortune qui ne va point sans un peu de travail, mais qui suffit a leurs besoins ; les gens qui vecurent pres d’eux ne les ont jamais surpris dans un mouvement de colere ou d’impatience ; ils ont ete constamment bienfaisants et doux, pleins d’amenite, de grace et de vraie bonte ; leur mariage a ete l’harmonie de deux ames incessamment unies. Deux eiders volant du meme vol, le son dans l’echo, la pensee dans la parole, sont peut-etre des images imparfaites de cette union. Ici chacun les aimait d’une affection qui ne pourrait s’exprimer qu’en la comparant a l’amour de la plante pour le soleil. La femme etait simple dans ses manieres, belle de formes, belle de visage, et d’une noblesse semblable celle des personnes les plus augustes. En 1783, dans la vingt-sixieme annee de son age, cette femme concut un enfant ; sa gestation fut une joie grave. Les deux epoux faisaient ainsi leurs adieux au monde, car ils me dirent qu’ils seraient sans doute transformes quand leur enfant aurait quitte la robe de chair qui avait besoin de leurs soins jusqu’au moment ou la force d’etre par elle-meme lui serait communiquee. L’enfant naquit, et fut cette Seraphita qui nous occupe en ce moment ; des qu’elle fut concue, son pere et sa mere vecurent encore plus solitairement que par le passe, s’exaltant vers le ciel par la priere. Leur esperance etait de voir Swedenborg, et la foi realisa leur esperance. Le jour de la naissance de Seraphita, Swedenborg se manifesta dans Jarvis, et remplit de lumiere la chambre ou naissait l’enfant. Ses paroles furent, dit-on :

— L’?uvre est accomplie, les cieux se rejouissent ! Les gens de la maison entendirent les sons etranges d’une melodie qui, disaient-ils, semblait etre apportee des quatre points cardinaux par le souffle des vents. L’esprit de Swedenborg emmena le pere hors de la maison et le conduisit sur le Fiord, ou il le quitta. Quelques hommes de Jarvis s’etant alors approches de monsieur Seraphitus, l’entendirent prononcant ces suaves paroles de l’Ecriture :

— Combien sont beaux sur les montagnes les pieds de l’Ange que nous envoie le Seigneur !

Je sortais du presbytere pour aller au chateau, y baptiser l’enfant, le nommer et accomplir les devoirs que m’imposent les lois lorsque je rencontrai le baron. « — Votre ministere est superflu, me dit-il ; notre enfant doit etre sans nom sur cette terre. Vous ne baptiserez pas avec l’eau de l’Eglise terrestre celui qui vient d’etre ondoye dans le feu du Ciel. Cet enfant restera fleur, vous ne le verrez pas vieillir, vous le verrez passer ; vous avez l’ exister, il a la vie ; vous avez des sens exterieurs, il n’en a pas, il est tout interieur. »

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