saints en terre lointaine. Ils prirent conge du duc Hoel. Tristan emmenait Gorvenal, et Kaherdin un seul ecuyer. Secretement ils equiperent une nef, et tous quatre ils voguerent vers la Cornouailles.

Le vent leur fut leger et bon, tant qu'ils atterrirent un matin, avant l'aurore, non loin de Tintagel, dans une crique deserte, voisine du chateau de Lidan. La, sans doute, Dinas de Lidan, le bon senechal, les hebergerait et saurait cacher leur venue.

Au petit jour, les quatre compagnons montaient vers Lidan, quand ils virent venir derriere eux un homme qui suivait la meme route au petit pas de son cheval. Ils se jeterent sous bois, et l'homme passa sans les voir, car il sommeillait en selle. Tristan le reconnut :

« Frere, dit-il tout bas a Kaherdin, c'est Dinas de Lidan lui-meme. Il dort. Sans doute il revient de chez son amie et reve encore d'elle : il ne serait pas courtois de l'eveiller, mais suis-moi de loin. »

Il rejoignit Dinas, prit doucement son cheval par la bride, et chemina sans bruit a ses cotes. Enfin, un faux pas du cheval reveilla le dormeur. Il ouvre les yeux, voit Tristan, hesite.

« C'est toi, c'est toi, Tristan ! Dieu benisse l'heure ou je te revois : je l'ai si longtemps attendue !

– Ami, Dieu vous sauve ! Quelles nouvelles me direz-vous de la reine ?

– Helas ! de dures nouvelles. Le roi la cherit et veut lui faire fete ; mais depuis ton exil elle languit et pleure pour toi. Ah ! pourquoi revenir pres d'elle ? Veux-tu chercher encore ta mort et la sienne ? Tristan, aie pitie de la reine, laisse-la a son repos !

– Ami, dit Tristan, octroyez-moi un don : cachez-moi a Lidan, portez-lui mon message et faites que je la revoie une fois, une seule fois ! »

Dinas repondit :

« J'ai pitie de ma dame, et ne veux faire ton message que si je sais qu'elle t'est restee chere par-dessus toutes les femmes.

– Ah ! sire, dites-lui qu'elle m'est restee chere par-dessus toutes les femmes, et ce sera verite.

– Or donc, suis-moi, Tristan : je t'aiderai en ton besoin. »

A Lidan, le senechal hebergea Tristan, Gorvenal, Kaherdin et son ecuyer, et quand Tristan lui eut conte de point en point l'aventure de sa vie, Dinas s'en fut a Tintagel pour s'enquerir des nouvelles de la cour. Il apprit qu'a trois jours de la, la reine Iseut, le roi Marc, toute sa mesnie, tous ses ecuyers et tous ses veneurs quitteraient Tintagel pour s'etablir au chateau de la Blanche-Lande, ou de grandes chasses etaient preparees. Alors Tristan confia au senechal son anneau de jaspe vert et le message qu'il devait redire a la reine.

Chapitre 17 DINAS DE LIDAN

Dinas retourna donc a Tintagel, monta les degres et entra dans la salle. Sous le dais, le roi Marc et Iseut la Blonde etaient assis a l'echiquier. Dinas prit place sur un escabeau pres de la reine, comme pour observer son jeu, et par deux fois, feignant de lui designer les pieces, il posa sa main sur l'echiquier : a la seconde fois, Iseut reconnut a son doigt l'anneau de jaspe. Alors, elle eut assez joue. Elle heurta legerement le bras de Dinas, en telle guise que plusieurs paonnets tomberent en desordre.

« Voyez, senechal, dit-elle, vous avez trouble mon jeu, et de telle sorte que je ne saurais le reprendre. »

Marc quitte la salle, Iseut se retire en sa chambre et fait venir le senechal aupres d'elle :

« Ami, vous etes messager de Tristan ?

– Oui, reine, il est a Lidan, cache dans mon chateau.

– Est-il vrai qu'il ait pris femme en Bretagne ?

– Reine, on vous a dit la verite. Mais il

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