massue, valets et ecuyers s'amasserent sur son passage, le pourchassant comme un loup :

« Voyez le fol ! hu ! hu ! et hu ! »

Ils lui lancent des pierres, l'assaillent de leurs batons ; mais il leur tient tete en gambadant et se laisse faire : si on l'attaque a sa gauche, il se retourne et frappe a sa droite.

Au milieu des rires et des huees, trainant apres lui la foule ameutee, il parvint au seuil de la porte ou, sous le dais, aux cotes de la reine, le roi Marc etait assis. Il approcha de la porte, pendit la massue a son cou et entra. Le roi le vit et dit :

« Voila un beau compagnon ; faites-le approcher. »

On l'amene, la massue au cou :

« Ami, soyez le bienvenu ! »

Tristan repondit, de sa voix etrangement contrefaite :

« Sire, bon et noble entre tous les rois, je le savais, qu'a votre vue mon c?ur se fondrait de tendresse. Dieu vous protege, beau sire !

– Ami, qu'etes-vous venu querir ceans ?

– Iseut, que j'ai tant aimee. J'ai une s?ur que je vous amene, la tres belle Brunehaut. La reine vous ennuie, essayez de celle-ci : faisons l'echange, je vous donne ma s?ur, baillez-moi Iseut ; je la prendrai et vous servirai par amour. »

Le roi s'en rit et dit au fou :

« Si je te donne la reine, qu'en voudras-tu faire ? Ou l'emmeneras-tu ?

– La-haut, entre le ciel et la nue, dans ma belle maison de verre. Le soleil la traverse de ses rayons, les vents ne peuvent l'ebranler ; j'y porterai la reine en une chambre de cristal, toute fleurie de roses, toute lumineuse au matin quand le soleil la frappe. »

Le roi et ses barons se dirent entre eux :

« Voila un bon fou, habile en paroles ! »

Il s'etait assis sur un tapis et regardait tendrement Iseut.

« Ami, lui dit Marc, d'ou te vient l'espoir que ma dame prendra garde a un fou hideux comme toi.

– Sire, j'y ai bien droit : j'ai accompli pour elle maint travail, et c'est par elle que je suis devenu fou.

– Qui donc es-tu ?

– Je suis Tristan, celui qui a tant aime la reine, et qui l'aimera jusqu'a la mort. »

A ce nom, Iseut soupira, changea de couleur et, courroucee, lui dit :

« Va-t'en ! Qui t'a fait entrer ceans ? Va-t'en, mauvais fou ! »

Le fou remarqua sa colere et dit :

« Reine Iseut, ne vous souvient-il pas du jour, ou, navre par l'epee empoisonnee du Morholt, emportant ma harpe sur la mer, j'ai ete pousse vers vos rivages ? Vous m'avez gueri. Ne vous en souvient-il plus, reine ?»

Iseut repondit :

« Va-t'en d'ici, fou ; ni tes jeux ne me plaisent, ni toi. »

Aussitot, le fou se retourna vers les barons, les chassa vers la porte en criant :

« Folles gens, hors d'ici ! Laissez-moi seul tenir conseil avec Iseut ; car je suis venu ceans pour l'aimer. »

Le roi s'en rit, Iseut rougit :

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