fit volte-face et braqua son arme ; Xoxarle se detacha de la porte et lanca une jambe en avant. Son pied entra en contact avec l’arme de Horza, qui en recut le canon en plein visage. La gueule du fusil cracha son feu laser au plafond, et tous deux se retrouverent pris sous une grele de poussiere et d’eclats de roc. L’Idiran profita de ce que l’humain reculait en titubant pour lui arracher l’arme des mains et la retourner contre son proprietaire, qui trouvait appui d’une main sur le mur, le nez et la bouche en sang. Alors Xoxarle ota d’un coup sec le cran de securite.

Unaha-Closp fusa dans la salle de controle, vira de bord, franchit en un eclair le rideau de fumee puis les portes eclatees, et fila dans un couloir qui debouchait presque aussitot dans le dortoir ; la, il fonca entre les filets de repos oscillants pour s’engager dans un nouveau conduit assez court, et emerger enfin dans la galerie.

La caverne n’etait que ruines et decombres. Le drone vit Balveda qui, sur la passerelle, essayait de se redresser en position assise, une main etreignant son epaule ; cela fait, elle appuya sa main valide sur le sol du pont metallique. Unaha-Closp se rua vers elle mais, juste au moment ou il arrivait a sa hauteur, au moment ou la tete de la jeune femme se tournait vers lui, une deflagration laser retentit dans le tunnel, a l’autre bout de la caverne. Le drone vira a nouveau et accelera.

Xoxarle pressa la detente juste a l’instant ou Unaha-Closp l’attaquait par-derriere ; l’arme n’avait pas encore eu le temps de faire son effet que Xoxarle etait projete en avant et s’effondrait par terre. Il roula sur lui- meme dans sa chute, mais l’extremite du canon s’enfonca dans le roc, supportant l’espace d’une seconde tout le poids de l’Idiran ; le canon se cassa en deux. Le drone s’immobilisa a une courte distance de Horza. L’homme plongeait sur l’Idiran, qui recouvrait deja son equilibre et se redressait de toute sa hauteur devant eux. Unaha- Closp se jeta de nouveau en avant, piqua puis monta en chandelle et tenta un uppercut comme celui qui lui avait deja permis une fois de neutraliser l’Idiran. Mais Xoxarle l’ecarta d’un mouvement du bras. Unaha-Closp rebondit sur le mur comme une balle en caoutchouc ; la creature dut encore le chasser de la main, et l’expedia tout tourbillonnant, endommage aussi bien en surface qu’en profondeur, dans le conduit qui repartait vers la caverne.

Horza se precipita. Xoxarle l’arreta d’un coup de poing en pleine tete. Le Metamorphe voulut feinter mais ne fut pas assez rapide ; le coup porte de biais qui l’atteignit a la tempe l’envoya rouler au sol. Il racla la paroi du tunnel et s’arreta sur le seuil de la porte opposee.

Des extincteurs automatiques se mirent a cracher de l’eau a l’endroit de l’impact laser. Xoxarle decrivit un demi-cercle en s’approchant de l’humain, qui s’efforcait de se relever ; ses jambes tremblaient, ses bras cherchaient un point d’appui sur la paroi desesperement lisse. L’Idiran leva un pied dans l’intention d’ecraser la figure de Horza, puis soupira et le reposa : il voyait revenir, lentement et selon une course quelque peu erratique, le drone a la coque toute bosselee dont s’echappait un filet de fumee.

— Espece de bete immonde…, coassa Unaha-Closp d’une faible voix rauque et cassee.

Xoxarle attrapa la machine par sa partie avant, l’eleva sans mal au-dessus de sa tete et de celle de Horza – qui leva vers lui des yeux au regard vague – puis l’abattit en fauchant l’air, tout droit sur le crane de sa victime.

Horza roula lourdement sur le cote et Xoxarle sentit que la machine gemissante heurtait a la fois la tete et l’epaule du Metamorphe, qui s’etala a nouveau au sol.

Pourtant, celui-ci vivait toujours ; il leva une main defaillante pour tenter de proteger sa tete vulnerable et deja ensanglantee. Xoxarle eleva encore une fois le drone impuissant au-dessus de la tete de l’homme a terre.

— Ainsi donc…, enonca-t-il tranquillement tout en bandant ses muscles pour porter son coup.

— Xoxarle !

L’Idiran leva les yeux et coula un regard entre ses bras dresses tandis que le drone se debattait faiblement dans ses mains, et que le blesse passait ses doigts sur son crane macule de sang. Il sourit.

Perosteck Balveda se tenait au bout du tunnel, sur la galerie surplombant la caverne. Elle avait les epaules voutees, et son visage semblait flasque, epuise. Son bras gauche pendait dans une posture peu naturelle ; contre sa cuisse, la main etait tournee vers l’exterieur. De l’autre main elle tenait un petit objet, qu’elle braquait sur l’Idiran. Celui-ci dut le scruter attentivement pour pouvoir l’identifier.

On aurait dit une arme ; une arme principalement composee de vides, de tiges et de fils tenus, un objet reduit a son ossature, tel un schema au crayon detache par miracle de sa page et dont seules etaient remplies les parties qui permettaient de le tenir en main. Xoxarle eclata de rire et, d’un seul coup, lanca le drone.

Balveda fit feu ; l’extremite du canon grele de son arme emit une breve etincelle, telle une petite pierre precieuse captant un rayon de soleil, accompagnee d’une sorte de toussotement discret.

Unaha-Closp n’avait pas eu le temps de parcourir cinquante centimetres en direction du crane de Horza qu’un veritable brasier s’enflammait au niveau de la ceinture de Xoxarle, dont le ventre eclata, arrache au bassin par une centaine d’explosions miniatures. Son thorax, ses bras et sa tete furent projetes vers le haut et vers l’arriere, percuterent le plafond et retomberent pele-mele ; ses bras se detendirent, ses mains s’ouvrirent. De son abdomen, dont les plaques de keratine s’etaient rompues, s’ecoula sur le sol inonde un flot d’entrailles, tandis que tout le haut de son corps tressautait dans les flaques de pluie artificielle qui se formaient peu a peu. Le tronc, les hanches lourdes et les trois jambes aussi epaisses que le reste… L’ensemble tint debout tout seul l’espace de quelques secondes tandis qu’Unaha-Closp s’elevait tranquillement au plafond, au-dessus de Horza gisant sous l’averse ; la mare se colorait progressivement de pourpre et de rouge a mesure que s’y melaient le sang de l’humain et celui de l’Idiran.

Le torse de Xoxarle gisait inerte ou il etait tombe, deux metres derriere ses jambes qui, elles, etaient toujours dressees. Alors les genoux flechirent lentement, comme s’ils ne cedaient qu’a regret au poids de la gravite, et ses hanches massives tomberent sur ses pieds ecartes. L’eau jaillit et envahit la cuvette sanglante formee par le pelvis beant de l’Idiran.

— Bala bala bala, marmonna Unaha-Closp. Coince contre le plafond, il degoulinait d’eau. Bala labalabalabla… ha ha.

Braquant toujours son arme sur le corps disloque de Xoxarle, Balveda s’avanca lentement dans le couloir en soulevant des eclaboussures d’eau rougie.

Elle s’immobilisa a hauteur des pieds de Horza et contempla sans emotion la tete et le torse du geant ; la cage thoracique vomissait du sang et des organes. Puis Balveda visa la grosse tete du guerrier et la lui fit sauter des epaules, soufflant des eclats de keratine jusqu’a vingt metres dans le tunnel. La deflagration l’ebranla et le bruit, repercute par les parois, lui fit carillonner les oreilles. Enfin elle parut se detendre un peu et ses epaules s’affaisserent. Alors elle leva les yeux vers le drone, qui flottait toujours au plafond.

— La-haut sont-je, inferieurement eleve, vers le plafond tombant, bala bala ha la…, declara Unaha-Closp en oscillant de maniere incertaine. Aussi la. Ecoutez, je suis fini, je suis tout simplement… Comment je m’appelle ? Quelle heure il est ? Bala bala, tralala. Eau beaucoup partout. Inferieurement superieur. Ha ha et tout ca.

Balveda s’agenouilla aupres de l’homme a terre, rangea son arme dans sa poche et tata le cou de Horza ; l’homme etait vivant. Son visage etait plonge dans l’eau. Elle tira et poussa pour tenter de le faire rouler sur le dos. Son cuir chevelu saignait.

— Drone, fit-elle en s’efforcant de ne pas laisser l’homme retomber dans l’eau, aide-moi donc.

Grimacant de douleur, elle souleva de sa main valide le bras de Horza, et poussa avec son autre epaule afin de le faire rouler un peu plus sur lui-meme.

— Alors, maudit drone ! Tu vas m’aider oui ou non ?

— Bla bala bala. Tralala. Ici sont-je, ici sont-je. Comment allez-tu pas ? Plafond, toit, dedans dehors. Ha ha bala bala, gazouilla le drone sans se decoller du plafond.

Balveda reussit enfin a retourner Horza sur le dos. La pluie artificielle lava son nez et sa bouche du sang qui les maculait. Ses yeux s’ouvrirent l’un apres l’autre.

— Horza ! appela Balveda en s’approchant de maniere a placer sa tete entre lui et les extincteurs et a lui masquer l’eclairage du plafond.

Le visage du Metamorphe etait livide a l’exception des minces tentacules de sang qui suintaient de sa bouche et de ses narines. Une veritable maree ecarlate coulait de ses tempes et de l’arriere de sa tete.

— Horza ? insista-t-elle.

— Tu as gagne, fit-il d’une voix calme et trainante.

Puis il ferma les yeux. Balveda ne sut que repondre ; alors elle ferma les yeux a son tour, et secoua la tete.

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