PETALE : Monsieur…

LANIER : J’ai l’impression qu’ils ont autant envie de recuperer votre fille-rasoir qu’Angie. Elle fait manifestement partie du reglement. Ils la prendront, elle aussi.

SWAIN : Eh bien, grand bien leur fasse. Elle est deja en position, dans la Conurb. Je l’ai eue au telephone, il y a une heure. Je vais la mettre en contact avec mon homme de confiance sur place, celui qui a pris les dispositions pour la… fille. Et vous-meme, vous y retournez ?

LANIER : Des ce soir.

SWAIN : Eh bien alors, pas de probleme.

LANIER : Au revoir, Swain.

PETALE : C’est un vrai salaud, ce mec.

SWAIN : J’aime pas ca, j’aime vraiment pas ca…

PETALE : Vous aimez quand meme la marchandise, non ?

SWAIN : De ce cote la, j’peux pas m’plaindre, mais d’apres toi, pourquoi veulent-ils egalement Sally ?

PETALE : Dieu seul le sait. Eux, je leur souhaite bien du plaisir…

SWAIN : Eux… j’aime pas quand on parle d’« eux »…

PETALE : Ils risquent de pas etre trop ravis quand ils apprendront qu’elle s’est barree de sa propre initiative, en embarquant la fille de Yanaka…

SWAIN : Non. Mais nous avons recupere Mlle Yanaka. Demain, je dirai a Sally que Prior est a Baltimore, pour peaufiner la fille…

PETALE : Tout ca, c’est vraiment pas joli, joli…

SWAIN : Tu m’apporteras une cafetiere pleine, a mon bureau.

Elle etait etendue sur le dos, les yeux clos, tandis que les enregistrements de Colin se devidaient dans sa tete par acces direct au nerf auditif. Swain semblait conduire la majeure partie de ses negociations dans la salle de billard, ce qui voulait dire qu’elle entendait seulement les gens arriver et repartir, donc seulement le debut et la fin des conversations. Deux hommes, dont l’un pouvait etre celui au visage rubicond, poursuivaient une discussion interminable sur les courses de levriers et la cote du lendemain. Puis elle ecouta avec un interet tout particulier Swain et l’homme des Services speciaux se mettre d’accord sur un point particulier, juste sous le buste en marbre, alors que l’invite s’appretait a partir. Elle interrompit ce segment de l’enregistrement une demi-douzaine de fois pour demander des eclaircissements. Colin hasarda quelques explications.

— C’est un pays absolument corrompu, remarqua-t-elle, profondement outree.

— Peut-etre pas plus que le votre, repondit-il.

— Mais avec quoi Swain paie-t-il tous ces gens ?

— De l’information. Je dirais que notre Monsieur Swain est recemment entre en possession d’une source de renseignements de premiere qualite et qu’il s’echine a la convertir en pouvoir. En me fondant sur ce que nous avons entendu, je me risquerai a affirmer que c’est sans doute meme sa principale activite depuis quelque temps. Ce qui est manifeste, en tout cas, c’est qu’il est en train de grimper, de prendre de l’importance. Il y a des preuves evidentes qu’il est actuellement un homme bien plus influent qu’il ne l’etait encore la semaine derniere. Rien que cet accroissement des effectifs de son personnel…

— Il faut que je previenne… mon amie.

— Shears ? La prevenir de quoi ?

— De ce qu’a dit Lanier. Qu’elle ferait partie du meme lot qu’Angela Mitchell.

— Ou est-elle donc ?

— Dans la Conurb. Dans un hotel.

— Telephonez-lui. Mais pas d’ici. Z’avez de l’argent ?

— Une carte a puce MitsuBank.

— Elles ne marchent pas dans nos cabines, desole. Pas de pieces ?

Elle se leva du lit et tira soigneusement les divers specimens de monnaie britannique qui s’etaient accumules au fond de son sac.

— Tenez, dit-elle en exhibant une epaisse piece doree. Dix livres.

— Il en faut deja deux comme ca rien que pour un appel urbain.

Elle remit dans son sac la piece de dix.

— Non, Colin. Pas par telephone. Je connais une meilleure solution. Je veux partir d’ici. Tout de suite. Aujourd’hui. Voulez-vous m’aider ?

— Certainement, repondit-il, bien que je vous conseille de n’en rien faire.

— Mais je le ferai quand meme.

— Tres bien. Comment comptez-vous proceder ?

— Je leur dirai que j’ai besoin de faire des courses.

27. SALE GARCE

La femme avait du entrer peu apres minuit, estima-t-elle plus tard, car c’etait apres que Prior fut revenu avec la seconde bourriche de crabes. Ils avaient effectivement de bons crabes a Baltimore, et revenir d’une passe lui ouvrait toujours l’appetit, aussi l’avait-elle persuade de retourner en chercher. Gerald venait regulierement lui changer ses timbres sur les bras ; elle lui adressait a chaque fois son plus beau sourire niais, vidait en le pressant contre le mur le tranquillisant sitot qu’il avait le dos tourne puis se recollait le timbre. Finalement, Gerald dit qu’elle ferait bien de dormir un peu ; il eteignit les lumieres et regla la fausse fenetre au niveau le plus bas, un crepuscule rouge sang.

Quand elle fut de nouveau seule, elle glissa la main entre le lit et le mur, trouva l’Elec-Trique dans sa cachette sous la mousse.

Elle s’endormit sans le vouloir, dans le rougeoiement de la fenetre pareil a un coucher de soleil sur Miami, et elle devait avoir reve d’Eddy, ou en tout cas du Hooky Green, reve qu’elle dansait avec quelqu’un, la-haut au quarante-deuxieme etage, parce que lorsque la redescente la reveilla, elle ne savait plus au juste ou elle etait mais elle gardait clairement dans la tete l’itineraire pour sortir du Hooky Green, comme si elle avait su qu’il valait mieux prendre l’escalier pour eviter d’eventuels problemes…

Elle etait a moitie sortie du lit quand Prior passa la porte – la passa au sens propre parce qu’elle etait encore fermee lorsqu’il la percuta : il la traversa a reculons et le battant explosa en une gerbe d’esquilles et de plaques d’isorel a nids d’abeilles.

Elle le vit heurter le mur, puis le sol, puis ne plus bouger du tout et deja quelqu’un d’autre s’encadrait dans l’embrasure, a contre-jour : tout ce qu’elle pouvait distinguer de son visage etait ces deux courbes de lumiere rouge refletant le crepuscule factice.

Elle remonta les jambes sur le lit, se laissa glisser contre le mur, la main glissant deja vers…

— Bouge pas, salope.

Il y avait quelque chose de reellement terrifiant dans cette voix, parce qu’elle etait bien trop enjouee, comme si propulser Prior a travers la porte avait ete une espece de bonne blague.

— J’ai bien dit : bouge pas…

Et la femme traversa la chambre en trois enjambees pour venir tout pres d’elle, si pres que Mona percut le froid qui emanait du cuir de son blouson.

— D’accord, fit Mona, d’accord…

Puis des mains la saisirent, incroyablement vite, et elle se retrouva sur le dos, les epaules plaquees rudement dans la mousse avec quelque chose, son Elec-Trique, juste sous le nez.

— Ou as-tu trouve ce joujou ?

— Oh, dit Mona, comme si c’etait un truc apercu une fois et oublie depuis, elle etait dans le blouson de mon petit ami. Je la lui ai empruntee…

Son c?ur battait la chamade. Les lunettes de cette femme…

— Tete-de-n?ud sait-il que tu avais cette bricole ?

— Qui ca ?

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