nuance etait encore differente une fois qu’il avait clamse, avec une autre couleur en dessous. C’est alors que passait le camion blanc. Eddy expliquait qu’il fallait l’enlever, avant qu’il se mette a enfler. Comme Mona avait pu le constater une fois, avec un chat, gonfle comme un ballon de basket, le ventre en l’air, les membres et la queue tendus, raides comme des piquets, meme que ca avait fait rire Eddy.

Et cet artiste du wiz qui riait a present – Mona avait reconnu ce regard si particulier –, Cherry qui emettait cette espece de grognement, et Angie qui restait plantee la, sans broncher.

— Bon, d’accord, tout le monde, entendit-elle quelqu’un dire (en se retournant, elle decouvrit Molly devant la porte, un petit pistolet dans la main, flanquee de ce grand mec aux cheveux crasseux, qui avait l’air aussi cretin qu’un tas de cailloux), personne ne bouge, que je fasse le tri.

Le type decharne se contenta de rigoler.

— La ferme, dit Molly, comme si elle reflechissait a autre chose.

Elle tira, sans meme regarder son arme. Eclair bleu sur le mur pres de la tete du mec, et Mona n’entendit rien d’autre que ses oreilles qui carillonnaient.

Le type decharne, roule en boule par terre, la tete entre les genoux.

Angie qui se dirige vers la civiere ou git le cadavre, les yeux blancs. A pas lents, lents, comme si elle se mouvait dans l’eau, et ce regard sur son visage…

La main de Mona, dans la poche de son blouson, comme douee d’un mouvement propre. Qui semble triturer la sacoche recuperee en bas, et lui dire… il y a du wiz la-dedans.

Elle l’ouvrit ; tout autour : du sang seche, a l’interieur, il y avait bien trois cristaux, et une espece de timbre.

Elle ne savait pas pourquoi elle l’avait sortie, justement a cet instant precis, peut-etre parce que personne ne bougeait.

Le type a la crete s’etait rassis sans plus bouger. Angie etait de l’autre cote, pres de la civiere, et ne semblait pas regarder le mort mais le boitier gris accroche au-dessus de sa tete sur une espece de bati. Cherry de Cleveland s’etait cale le dos contre le mur de livres, se mordant presque les phalanges. Le grand type, pour sa part, etait immobile pres de Molly, qui avait incline la tete comme si elle ecoutait quelque chose.

Mona craqua.

La table avait un plateau d’acier. Dessus, un gros bloc metallique pressait une pile de listings poussiereux. Elle sortit de leur blister trois cristaux jaunes, a la file, saisit le bloc de metal et les reduisit en poudre a grand bruit. Effet radical : tout le monde tourna la tete. Sauf Angie.

— ’scusez-moi, s’entendit-elle dire en balayant le monticule de poudre jaune dans la paume retournee de sa main gauche, savez c’que c’est… (Elle enfouit le nez dans la pile et renifla.)… parfois, ajouta-t-elle avant de s’enfiler le reste.

Personne ne dit mot.

Et de nouveau, ce centre immobile ; comme cette autre fois.

Si rapide qu’il en etait immobile.

L’extase. L’extase vient.

Si vite, si figee, elle aurait pu mettre en sequence ce qui se produisit ensuite : le gros rire, haha, comme si ce n’en etait pas vraiment un. Sorti d’un haut-parleur. Derriere la porte. Venant de cette espece de passerelle. Et Molly qui se retourne, lisse comme la soie, rapide mais comme s’il n’y avait pas urgence, et la petite arme qui crache, tel un briquet.

Puis cet eclair bleu, dehors, et le grand type se retrouve asperge de sang tandis que le metal se dechire, que Cherry hurle juste avant que la passerelle s’effondre avec cet enorme bruit complique, au niveau inferieur, dans le noir, la ou Mona avait trouve le wiz dans sa sacoche ensanglantee.

— Gentry, dit quelqu’un (et elle voit que c’est une petite video sur la table, le visage d’un jeune mec, sur l’ecran), branche le boitier de commande de la Ruse, a present. Ils sont dans le batiment.

Le type a la crete se releve en vitesse et commence a faire tout un tas de trucs avec ses cables et ses consoles.

Et Mona ne peut que regarder, parce qu’elle se sent si calme et que tout ceci devient fort interessant.

Puis le grand type qui pousse ce cri et se precipite, en hurlant qu’ils sont a lui, a lui. Et le visage sur l’ecran qui repond :

— Allons, la Ruse, t’en as vraiment plus besoin, a present…

Puis ce moteur qui se met en route, quelque part en dessous, et Mona entend un cliquetis, un vrombissement, le hurlement de quelqu’un, en bas.

Et le soleil qui entre a present par cette grande fenetre delabree, alors elle s’en approche pour risquer un ?il. Et il y a quelque chose, dehors, une espece de camion ou de glisseur, seulement il est enfoui sous une pile de trucs qui ressemblent a des frigos, des frigos tout neufs, avec des fragments de caisse en plastique, et il y a quelqu’un en tenue de camouflage, allonge, le visage dans la neige, et plus loin, il y a encore un autre glisseur, apparemment carbonise.

C’est interessant.

40. SATIN ROSE

Angela Mitchell embrasse du regard cette piece et ses occupants par l’entremise de plans de donnees changeants qui representent divers points de vue ; quant a savoir de qui sont ces points de vue ou sur quoi ils portent, dans la plupart des cas, elle est incapable de le dire. Il y a une proportion considerable de donnees qui se recouvrent et se contredisent.

L’homme a la crete de cheveux hirsute, gisant au sol, roule en boule dans son blouson de cuir a perles noires, c’est Thomas Trail Gentry (fiche de naissance et donnees de FAUTE en cascade autour d’elle), sans domicile fixe (tandis qu’une autre facette lui indique que cette piece est la sienne). Derriere un lavis gris de traces de donnees officielles, vaguement marbrees du rose repete de presomptions de fraude a la consommation qui emane de l’Electro-nucleaire, elle le decouvre sous un jour different : il ressemble a l’un des cow-boys de Bobby ; plus jeune pourtant que la plupart d’entre eux, il a quelque chose de ces vieux habitues du Gentleman Loser ; c’est un autodidacte, un excentrique, obsede par ses propres lumieres de lettre ; c’est un cingle, un oiseau de nuit, coupable (aux yeux de Maman, de Legba) de multiples heresies ; Dame 3Jane, suivant en cela ses propres plans excentriques, l’a fiche sous le nom de RIMBAUD. (Jailli du fichier RIMBAUD, un autre visage eblouit Angie ; son nom est Riviera, acteur mineur dans ses reves.) Molly l’a deliberement assomme, en provoquant la detonation d’une flechette explosive a dix-huit centimetres de son crane.

Molly, tout comme la fille nommee Mona, est sans FAUTE, naissance non enregistree, et pourtant, autour de son (de ses) nom(s) gravitent des galaxies de suppositions, de rumeurs, de donnees conflictuelles. Prostituee, garde du corps, assassin, elle mele les divers plans avec les ombres de heros et de bandits dont les noms n’evoquent rien pour Angie, meme si leur image residuelle s’est depuis longtemps inseree dans la trame de la culture globale (et ceci appartenait egalement a 3Jane, avant de parvenir aux mains d’Angie).

Molly vient juste de tuer un homme, de lui tirer dans la gorge une de ses flechettes explosives. Sa chute contre un parapet metallique deja use a fait degringoler une partie de la passerelle sur le sol de la Fabrique, a l’etage inferieur. Cette piece n’a pas d’autre acces, un fait d’une certaine importance strategique. Ce n’etait sans doute pas l’intention de Molly de provoquer l’effondrement de la passerelle. Elle cherchait a empecher l’homme, un mercenaire, d’utiliser son arme, un pistolet court, en alliage anodise noir non reflechissant. Neanmoins, le loft de Gentry se retrouve desormais bel et bien isole.

Angie saisit l’importance de Molly pour 3Jane, l’origine de son desir comme de sa rage a son egard, et constate alors toute la banalite de la mechancete humaine.

Angie voit Molly parcourir inlassablement l’hiver gris londonien, une jeune fille a ses cotes – et sait, sans savoir comment, que cette meme fille se trouve en ce moment au 23, Margate Road, SW2. (Script ?) Le pere de la jeune fille etait auparavant le maitre du denomme Swain ; celui-ci etait passe dernierement au service de 3Jane pour beneficier des informations qu’elle fournit a ceux qui executent ses volontes. Tout comme l’a fait Robin Lanier, bien sur, meme s’il espere, lui, etre paye dans une monnaie differente.

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