couvert ?

— Couvert ?

— Protege. Contre Swain, je veux dire, lui et ses copains des S.S. et toute la bande…

— Swain est mort.

Il y eut un silence.

— Mais quelqu’un doit bien le remplacer, surement. Enfin, pour vos affaires, je veux dire.

M. Yanaka considera Tic-Tac avec une franche curiosite.

— Evidemment. Sinon, comment l’ordre et la concorde pourraient-ils continuer a regner ?

— Donnez-lui votre parole, pere, qu’on ne lui fera pas de mal.

Le regard de Yanaka passa de Kumiko a l’homme grimacant.

— Je vous temoigne, monsieur, ma profonde gratitude pour avoir protege mon enfant. Je suis votre oblige…

— Ma fille, dit Kumiko.

— Bon Dieu, fit Tic-Tac, submerge par un sentiment de crainte respectueuse, un drole de putain de truc, tiens…

— Pere, reprit Kumiko, la nuit ou ma mere est morte, aviez-vous donne l’ordre a vos secretaires de la laisser sortir seule ?

Les yeux de son pere etaient parfaitement froids. Elle les regarda s’emplir d’une tristesse qu’elle n’avait encore jamais connue chez lui.

— Non, repondit-il enfin, absolument pas.

Tic-Tac toussota.

— Merci, pere. Puis-je a present rentrer a Tokyo ?

— Tout a fait, si tel est ton souhait. Meme si, je crois, on ne t’a pas laissee voir grand-chose de Londres. Mon associe va se rendre a l’appartement de Tic-Tac. Si tu desires explorer la ville, il prendra des dispositions en ce sens.

— Merci, pere.

— Au revoir, Kumi.

Et sur ces mots, il disparut.

— Bon, maintenant, dit Tic-Tac avec une horrible grimace en tendant son bras valide, tu vas m’aider a sortir de ce…

— Mais vous avez besoin de soins medicaux…

— Ne les ai-je pas deja eus ? (Il reussit a se lever et partait en claudiquant vers les toilettes quand Petale ouvrit la porte donnant sur le hall sombre, a l’etage.) Merde, si t’as pete ma serrure, dit Tic-Tac, t’auras interet a me la payer…

— Pardon, dit Petale, en plissant les yeux. Je venais chercher Mlle Yanaka.

— Pas de pot, mec. Elle vient d’avoir son papa au telephone. Y nous a appris que Swain s’etait fait retamer. Et qu’il nous envoyait le nouveau patron. (Il sourit, d’un sourire torve, triomphant.)

— Mais, dit Petale, avec douceur, le nouveau patron c’est moi.

42. LE SOL DE LA FABRIQUE

Cherry criait toujours.

— Que quelqu’un la fasse taire, dit Molly depuis la porte ou elle se tenait, son petit pistolet a la main.

Mona croit se sentir en mesure de le faire, de transmettre a Cherry une partie de son calme, ce calme ou tout parait interessant et ou rien vraiment ne presse, mais alors qu’elle va traverser la piece, elle avise la sacoche froissee par terre, et se souvient qu’elle contient un timbre, de quoi aller peut-etre aider Cherry a se calmer.

— Tenez, dit-elle en arrivant a ses cotes.

Elle retire la pellicule protectrice du timbre avant de l’appliquer contre le cou de la jeune femme. Les cris de celle-ci decroissent en un gargouillis etrangle tandis qu’elle s’effondre le long du mur de livres anciens, mais Mona est sure que ca va aller mieux et de toute facon, on entend tirer en bas, des armes a feu. Derriere Molly, l’eclair blanc d’une balle tracante traverse avec fracas l’entrelacs de poutrelles d’acier tandis que Molly hurle a Gentry d’allumer cette putain de lumiere.

Elle devait parler de l’eclairage du rez-de-chaussee car les lampes a leur etage sont parfaitement eblouissantes, au point meme qu’elle peut deceler de petites perles floues et des traces colorees jaillissant tout autour des objets si elle les regarde attentivement. Des balles tracantes. C’etait ainsi qu’on appelait ces projectiles lumineux. C’est Eddy qui le lui avait appris, en Floride, alors qu’au bout de la plage un vigile leur tirait dessus dans le noir.

— Ouais, la lumiere, dit le visage sur le petit ecran, la Sorciere est aveugle…

Mona lui sourit. Elle n’avait pas l’impression que quelqu’un d’autre avait entendu. La Sorciere.

Et voila donc Gentry et la Ruse en train d’arracher tous ces paquets de gros cables des murs ou ils etaient fixes, pour les connecter avec ces boitiers metalliques tandis que Cherry de Cleveland reste assise par terre, les yeux clos, et que Molly est tapie pres de la porte, tenant son arme a deux mains et qu’Angie…

— Ne bouge pas.

La voix qui disait cela ne provenait pas de quelqu’un dans la piece. Elle pensa qu’il pouvait s’agir de Lanette, elle aurait pu lui dire ca, a travers le temps, a travers le silence.

Parce que Angie etait la, immobile, a terre, pres de la civiere du type mort, les jambes repliees sous elle comme une statue, l’entourant de ses bras.

La lumiere baissa quand Gentry et la Ruse trouverent la connexion et elle crut entendre le visage sur le moniteur etouffer un cri, mais deja elle se dirigeait vers Angie, ayant decouvert (soudainement, totalement, si nettement que ca lui faisait mal) le mince filet de sang qui lui coulait de l’oreille gauche.

Meme a cet instant, le calme se prolongeait, bien qu’elle put deja sentir des pointes de feu lui bruler le fond de la gorge, tandis qu’elle se rappelait des conseils de Lanette : « T’avise surtout pas de renifler ce truc, ca te bouffe les muqueuses… »

Et Molly s’etait dressee, les bras tendus et baisses, non pas vers ce boitier gris mais vers son pistolet, ce petit objet, et Mona l’entendit cracher : Snik-snik-snik, puis il y eut trois explosions, tres loin, tout en bas, et il devait y avoir eu trois eclairs bleus mais les mains de Mona entouraient deja Angie (elle sentait sur ses poignets la caresse de la fourrure maculee de sang) pour la regarder, regarder au fond de ses yeux absents, ou la lumiere s’eteignait deja. Si loin, si terriblement loin.

— Eh, dit Mona, mais personne pour l’entendre, rien qu’Angie qui bascule au-dessus du corps dans le sac de couchage. Eh…

Elle leva les yeux juste a temps pour saisir la derniere image sur le moniteur video et la voir disparaitre.

Apres cela, durant un long moment, plus rien n’eut d’importance. Sentiment sans commune mesure avec le calme precedent, sans commune mesure non plus avec la sensation de redescente, cette impression d’avoir passe un seuil, qu’eprouvent peut-etre les fantomes.

Aux cotes de la Ruse et de Molly, du pas de la porte, elle regardait l’etage en dessous. Dans la lueur blafarde des grosses ampoules electriques, elle avisa une espece d’araignee metallique qui trottinait sur la dalle de beton crasseux. Elle avait de grosses pinces incurvees qui claquaient et tournoyaient mais plus rien ne bougeait la-dessous et la chose continuait a se demener, comme un jouet brise, se promenant devant les poutrelles tordues de l’etroite passerelle qu’elle avait empruntee peu auparavant, avec Angie et Cherry.

Cette derniere s’etait relevee, pale et decomposee, et elle avait retire le timbre colle a son cou. « C’t un sacre myo-r’laxant », etait-elle parvenue a bafouiller, et Mona s’etait sentie genee, parce qu’elle etait consciente d’avoir fait quelque chose de stupide en croyant l’aider, seulement le wiz faisait toujours cet effet et elle ne pouvait jamais se retenir.

« Parce que t’es accro, eh, conne », entendit-elle Lanette lui dire mais elle prefera l’oublier.

Ils etaient donc tous figes sur place, a contempler d’en haut l’araignee de metal qui tournoyait et vidait ses

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