batteries. Tous, sauf Gentry qui etait en train de devisser la boite grise de son bati au-dessus de la civiere, ses bottes noires pres de la fourrure rouge d’Angie.

— Ecoutez, dit Molly… C’t un helico. Un gros.

Elle fut la derniere a descendre par la corde, mis a part Gentry qui declara simplement qu’il ne venait pas, qu’il s’en fichait et restait la-haut.

La corde etait epaisse, d’un gris sale, et munie de n?uds pour se retenir, comme une balancoire dont elle avait garde le lointain souvenir. La Ruse et Molly avaient d’abord fait descendre le boitier gris, jusqu’a une plate- forme dont l’escalier d’acces metallique etait encore intact. Puis Molly descendit a son tour, aussi vite qu’un ecureuil, effleurant a peine la corde, et arrima solidement celle-ci a une rambarde. La Ruse avait suivi lentement, parce qu’il portait Cherry, encore trop affaiblie pour se debrouiller seule. Mona avait des remords a ce sujet et se demanda si c’etait pour la punir qu’ils avaient decide de la laisser derriere.

C’etait Molly qui avait pris la decision, pourtant, debout devant cette fenetre a regarder les gens sortir du long helicoptere noir et se disperser sur la neige.

— Regardez-moi ca, avait dit Molly. Ils savent. Ils sont tranquillement venus recuperer les morceaux Senso/Rezo. J’me tire vite fait.

Cherry bafouilla qu’ils s’en allaient egalement, elle et la Ruse. Ce dernier haussa les epaules puis sortit et lui passa le bras autour de la taille.

— Et moi, alors ?

Molly la regarda. Ou parut la regarder. Pas moyen de dire, avec ces verres. Eclair des dents blanches contre la levre inferieure, juste une seconde, puis elle repondit :

— Tu restes, si tu veux mon avis. Laisse-les regler ca entre eux. Tu n’y es pour rien en fait. Rien de tout cela n’etait ton idee. Y se sont sans doute servis de toi comme intermediaire, ou ils ont essaye. Ouais, tu restes.

Pour Mona, tout ca ne tenait pas debout mais elle se sentait maintenant tellement crevee, tellement malade, qu’elle n’avait plus la force de discuter.

Et voila, ils etaient tous partis, descendus et avaient disparu, c’etait aussi simple que ca, les gens s’en allaient et vous ne les revoyiez jamais plus. Elle se retourna et vit Gentry dans la salle, en train de faire les cent pas devant ses livres, en les caressant du bout d’un doigt comme s’il en cherchait un en particulier. Il avait jete une couverture sur la civiere.

Alors elle etait partie, elle ne saurait jamais si Gentry avait oui ou non trouve son bouquin, mais enfin c’etait ainsi, alors elle descendit la corde a son tour, ce qui n’etait pas aussi facile qu’on l’aurait cru, a voir faire Molly et la Ruse, surtout quand on se sentait comme Mona en ce moment, a deux doigts de tomber dans le cirage, avec ses membres qui n’avaient plus l’air de fonctionner correctement, le nez et la gorge tout congestionnes, tant et si bien qu’elle ne remarqua pas le Noir avant d’etre arrivee tout en bas.

Il etait la-dessous, en train d’observer la grosse araignee metallique qui ne bougeait plus du tout. Il leva la tete quand le talon de Mona racla la plate-forme d’acier. Et il y avait quelque chose de triste dans ses traits, quand il la vit, mais cela disparut bien vite et deja il grimpait les marches metalliques, souple et lent. A mesure qu’il approchait, elle se demanda s’il etait vraiment noir. Pas simplement de peau, celle-ci l’etait, sans aucun doute, mais il y avait quelque chose dans la forme de son crane chauve, les angles de son visage, qui le faisait ne ressembler a personne. Il etait grand, vraiment grand. Et portait un long manteau noir, d’un cuir si fin qu’il glissait comme de la soie.

— Salut, mam’zelle, dit-il en s’arretant devant elle.

Il tendit la main et lui leva le menton de sorte qu’elle regarda droit dans ses yeux d’agate pailletes d’or, des yeux comme jamais personne au monde n’en avait eu. Si legers, les longs doigts contre son menton.

— Mam’zelle, dit-il, quel age avez-vous ?

— Seize ans…

— Vous avez besoin d’une coupe de cheveux, remarqua-t-il, et il y avait un tel serieux dans le ton employe…

— Angie est la-haut, dit-elle, avec un geste de la main, quand elle eut retrouve sa voix. Elle…

— Chut.

Elle entendit des bruits metalliques, tres loin dans l’immense vieille batisse, puis un moteur qui demarrait. Sans doute l’aeroglisseur qu’avait pilote Molly.

Le Noir haussa les sourcils, sauf qu’il n’en avait pas.

— Amis ? (Il tendit la main vers elle.)

Elle acquiesca.

— Parfait.

Il lui prit la main pour l’aider a descendre les marches. Au pied de celles-ci, il la guida pour contourner les debris de la passerelle. Quelqu’un etait mort, la-dessous, tenue de camouflage et un de ces gros porte-voix comme en ont les flics.

— Swift, lanca le Noir, a tue-tete dans ce grand espace vide, entre les cadres des fenetres sans vitres, traits noirs sur un ciel blanc, matin d’hiver, magne-toi d’arriver. Je l’ai trouvee.

— Mais je ne suis pas elle…

Et au bout, du cote des battants grands ouverts du portail, face au ciel, a la neige et a la rouille, elle vit le complet-gris se ramener tranquillement, avec son manteau ouvert et sa cravate qui flottait au vent ; le glisseur de Molly le croisa pour sortir par ce meme portail, et il ne lui accorda pas meme un coup d’?il parce qu’il etait en train de regarder Mona.

— Je ne suis pas Angie, dit-elle, et elle se demanda si elle devait leur raconter ce qu’elle avait vu, Angie et le jeune mec reunis sur ce petit ecran, juste avant qu’il s’eteigne.

— Je sais, dit le Noir, mais ca va venir.

L’extase. L’extase qui vient.

43. JUGE

La femme les conduisit a un glisseur gare a l’interieur de la Fabrique, si l’on pouvait appeler ca se garer quand tout l’avant etait enroule autour d’un socle de machine-outil en beton. C’etait un cargo blanc avec CATHODE CATHAY inscrit en travers des portes arriere et la Ruse se demanda quand elle etait arrivee a le faire entrer ici sans qu’il l’entende. Peut-etre au moment ou Bobby le Comte lancait sa diversion avec le dirigeable.

L’aleph etait lourd, aussi dur a trainer qu’un bloc-moteur compact.

Il n’avait pas envie de regarder la Sorciere parce qu’elle avait du sang sur les lames et qu’il ne l’avait pas concue dans ce but. Deux corps gisaient a proximite, ou du moins, des fragments de corps ; ca aussi, il evita de regarder.

Il baissa les yeux sur le boitier de biogiciel avec son bloc d’accus et se demanda si tout s’y trouvait encore, la maison grise, le Mexique, et les yeux de 3Jane.

— Attendez, dit la femme.

Ils venaient de passer la rampe d’acces a la salle ou il rangeait ses machines ; le Juge etait encore la, et le Hache-corps…

Elle tenait toujours son arme. La Ruse posa la main sur l’epaule de Cherry.

— Elle a dit d’attendre.

— Ce truc que j’ai vu, l’autre nuit, demanda la femme. Un robot manchot. Ca marche ?

— Ouais.

— Va le chercher.

— Hein ?

— Monte-le a l’arriere du glisseur. Allez. Grouille.

Cherry s’accrochait a lui, les genoux flageolants apres ce que lui avait refile la fille.

— Toi, dit Molly en agitant le pistolet sous son nez, monte.

— Vas-y, conseilla la Ruse.

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