moi ?
Madame Blanche acquiesca d’un signe millimetrique de la tete.
— J’ai a nouveau besoin de vous.
Il lui tendit la lettre. Elle n’avait aucune raison de le faire mais elle la prit, et l’ouvrit. Elle regarda les sept feuillets, l’un apres l’autre, puis elle leva les yeux vers Herve Joncour.
— Je n’aime pas cette langue, monsieur. Je veux l’oublier, et je veux oublier ce pays, et ma vie la-bas, et tout le reste.
Herve Joncour demeura immobile, les mains serrees sur les accoudoirs de son fauteuil.
— Je lirai cette lettre pour vous. Je le ferai. Et je ne veux pas d’argent. Mais je veux une promesse : ne revenez plus jamais me demander cela.
— Je vous le promets, madame.
Elle le regarda bien dans les yeux. Puis elle baissa le regard sur la premiere page de la lettre, papier de riz, encre noire.
— Mon seigneur bien-aime.
Dit-elle
— n’aie pas peur, ne bouge pas, garde le silence, personne ne nous verra.
59
Reste ainsi, je veux te regarder, je t’ai tellement regarde mais tu n’etais pas pour moi et a present tu es pour moi, ne t’approche pas, je t’en prie, reste comme tu es, nous avons une nuit pour nous seuls, et je veux te regarder, jamais je ne t’ai vu ainsi, ton corps pour moi, ta peau, ferme les yeux, et caresse-toi, je t’en prie,
dit Madame Blanche, Herve Joncour ecoutait, n’ouvre pas les yeux, si tu le peux, et caresse-toi, tes mains sont si belles, j’ai reve d’elles tant de fois que je veux les voir maintenant, j’aime les voir ainsi, sur ta peau, continue je t’en prie, n’ouvre pas les yeux, je suis la, personne ne peut nous voir et je suis pres de toi, caresse-toi mon bien-aime seigneur, caresse ton sexe, je t’en prie, tout doucement,
elle s’arreta, Continuez, je vous en prie, dit-il, elle est belle, ta main sur ton sexe, ne t’arrete pas, j’aime la regarder et te regarder, mon bien-aime seigneur, n’ouvre pas les yeux, pas encore, tu ne dois pas avoir peur, je suis pres de toi m’entends-tu ? je suis la, a te froler, c’est de la soie, la sens-tu ? c’est la soie de ma robe, n’ouvre pas les yeux et tu auras ma peau,
dit-elle, lisant doucement, avec la voix d’une femme-enfant,
tu auras mes levres, quand je te toucherai pour la premiere fois ce sera avec mes levres, tu ne sauras pas ou, a un certain moment tu sentiras la chaleur de mes levres, sur toi tu ne sauras pas ou si tu n’ouvres pas les yeux, ne les ouvre pas, tu sentiras ma bouche, tu ne sauras pas ou, tout a coup,
il ecoutait, immobile, de la pochette de son complet gris depassait un mouchoir blanc, immacule,
ce sera peut-etre dans tes yeux, j’appuierai ma bouche sur tes paupieres et sur tes cils, tu sentiras la chaleur penetrer a l’interieur de ta tete, et mes levres dans tes yeux, dedans, ou bien ce sera sur ton sexe, j’appuierai mes levres, la, et je les entrouvrirai en descendant peu a peu,
dit-elle, et sa tete etait penchee sur les feuilles, et elle effleurait son cou du bout des doigts, lentement,
je laisserai ton sexe ouvrir ma bouche, penetrer entre mes levres, presser contre ma langue, ma salive descendra le long de ta peau jusque dans ta main, mon baiser et ta main, l’un et l’autre meles, sur ton sexe,
il ecoutait, il tenait son regard fixe sur un cadre d’argent, vide, accroche au mur,
et puis a la fin je baiserai ton c?ur, parce que je te veux, je mordrai la peau qui bat sur ton c?ur, parce que je te veux, et quand j’aurai ton c?ur sous mes levres tu seras a moi vraiment avec ma bouche dans ton c?ur tu seras a moi, pour toujours, si tu ne me crois pas alors ouvre les yeux mon bien-aime seigneur et regarde-moi, je suis la, quelqu’un pourra-t-il jamais effacer cet instant, mon corps que la soie ne recouvre plus, tes mains qui le touchent, tes yeux qui le regardent,
dit-elle, et elle s’etait