Du grand rien d’ou nait le grand tout.

Dieu pensif dit: Je suis bien aise

Que ce qui gisait soit debout.

Le neant dit: J’etais souffrance;

La douleur dit: Je suis la France!

O formidable vision!

Ainsi tombe le noir suaire;

Le desert devient ossuaire,

Et l’ossuaire nation.

X

Tout est la mort, l’horreur, la guerre;

L’homme par l’ombre est eclipse;

L’Ouragan par toute la terre

Court comme un enfant insense.

Il brise a l’hiver les feuillages,

L’eclair aux cimes, l’onde aux plages,

A la tempete le rayon;

Car c’est l’ouragan qui gouverne

Toute cette etrange caverne

Que nous nommons Creation.

L’ouragan, qui broie et torture,

S’alimente, monstre croissant,

De tout ce que l’apre nature

A d’horrible et de menacant;

La lave en feu le desaltere;

Il va de Quito, blanc cratere

Qu’entoure un eternel glacon,

Jusqu’a l’Hekla, mont, gouffre et geole,

Bout de la mamelle du pole

Que tette ce noir nourrisson!

L’ouragan est la force aveugle,

L’agitateur du grand linceul;

Il rugit, hurle, siffle, beugle,

Etant toute l’hydre a lui seul;

Il fletrit ce qui veut eclore;

Il dit au printemps, a l’aurore,

A la paix, a l’amour: Va-t’en!

Il est rage et foudre; il se nomme

Barbarie et crime pour l’homme,

Nuit pour les cieux, pour Dieu Satan.

C’est le souffle de la matiere,

De toute la nature craint;

L’Esprit, ouragan de lumiere,

Le poursuit, le saisit, l’etreint;

L’Esprit terrasse, abat, dissipe

Le principe par le principe;

Il combat, en criant: Allons!

Les chaos par les harmonies,

Les elements par les genies,

Par les aigles les aquilons!

Ils sont la, hauts de cent coudees,

Christ en tete, Homere au milieu,

Tous les combattants des idees,

Tous les gladiateurs de Dieu;

Chaque fois qu’agitant le glaive,

Une forme du mal se leve

Comme un forcat dans son preau,

Dieu, dans leur phalange complete,

Designe quelque grand athlete

De la stature du fleau.

Surgis, Volta! dompte en ton aire

Les Fluides, noir phlegeton!

Viens, Franklin! voici le Tonnerre.

Le Flot gronde; parais, Fulton!

Rousseau! prends corps a corps la Haine.

L’Esclavage agite sa chaine;

O Voltaire! aide au paria!

La Greve rit, Tyburn flamboie,

L’affreux chien Montfaucon aboie,

On meurt… – Debout, Beccaria!

Il n’est rien que l’homme ne tente.

La foudre craint cet oiseleur.

Dans la blessure palpitante

Il dit: Silence! a la douleur.

Sa vergue peut-etre est une aile;

Partout ou parvient sa prunelle,

L’ame emporte ses pieds de plomb;

L’etoile, dans sa solitude,

Regarde avec inquietude

Blanchir la voile de Colomb.

Pres de la science l’art flotte,

Les yeux sur le double horizon;

La poesie est un pilote;

Orphee accompagne Jason.

Un jour, une barque perdue

Vit a la fois dans l’etendue

Un oiseau dans l’air spacieux,

Un rameau dans l’eau solitaire;

Alors, Gama cria: La terre!

Et Camoens cria: Les cieux!

Ainsi s’entassent les conquetes.

Les songeurs sont les inventeurs.

Parlez, dites ce que vous etes,

Forces, ondes, aimants, moteurs!

Tout est stupefait dans l’abime,

L’ombre, de nous voir sur la cime,

Les monstres, qu’on les ait braves

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