Et qu’il compare au vice agitant son miroir,

Au crime, aux voluptes, l’?il en pleurs du devoir;

Il faut qu’il doute! Hier croyant demain impie;

Il court du mal au bien; il scrute, sonde, epie,

Va, revient, et, tremblant, agenouille, debout,

Les bras etendus, triste, il cherche Dieu partout;

Il tate l’infini jusqu’a ce qu’il l’y sente;

Alors, son ame ailee eclate fremissante;

L’ange eblouissant luit dans l’homme transparent.

Le doute le fait libre, et la liberte, grand.

La captivite sait; la liberte suppose,

Creuse, saisit l’effet, le compare a la cause,

Croit vouloir le bien-etre et veut le firmament;

Et, cherchant le caillou, trouve le diamant.

C’est ainsi que du ciel l’ame a pas lents s’empare.

Dans le monstre, elle expie; en l’homme, elle repare.

*

Oui, ton fauve univers est le forcat de Dieu.

Les constellations, sombres lettres de feu,

Sont les marques du bagne a l’epaule du monde.

Dans votre region tant d’epouvante abonde,

Que, pour l’homme, marque lui-meme du fer chaud,

Quand il leve les yeux vers les astres, la-haut,

Le cancer resplendit, le scorpion flamboie,

Et dans l’immensite le chien sinistre aboie!

Ces soleils inconnus se groupent sur son front

Comme l’effroi, le deuil, la menace et l’affront;

De toutes parts s’etend l’ombre incommensurable;

En bas l’obscur, l’impur, le mauvais, l’execrable,

Le pire, tas hideux, fourmillent; tout au fond,

Ils echangent entre eux dans l’ombre ce qu’ils font;

Typhon donne l’horreur, Satan donne le crime;

Lugubre intimite du mal et de l’abime!

Amours de l’ame monstre et du monstre univers!

Baiser triste! et l’informe engendre du pervers,

La matiere, le bloc, la fange, la gehenne,

L’ecume, le chaos, l’hiver, nes de la haine,

Les faces de beaute qu’habitent des demons,

Tous les etres maudits, meles aux vils limons,

Pris par la plante fauve et la bete feroce,

Le grincement de dents, la peur, le rire atroce,

L’orgueil, que l’infini courbe sous son niveau,

Rampent, noirs prisonniers, dans la nuit, noir caveau.

La porte, affreuse et faite avec de l’ombre, est lourde;

Par moments, on entend, dans la profondeur sourde,

Les efforts que les monts, les flots, les ouragans,

Les volcans, les forets, les animaux brigands,

Et tous les monstres font pour soulever le pene;

Et sur cet amas d’ombre, et de crime, et de peine,

Ce grand ciel formidable est le scelle de Dieu.

Voila pourquoi, songeur dont la mort est le v?u,

Tant d’angoisse est empreinte au front des cenobites!

Je viens de te montrer le gouffre. Tu l’habites.

*

Les mondes, dans la nuit que vous nommez l’azur,

Par les breches que fait la mort bleme a leur mur,

Se jettent en fuyant l’un a l’autre des ames.

Dans votre globe ou sont tant de geoles infames,

Vous avez des mechants de tous les univers,

Condamnes qui, venus des cieux les plus divers,

Revent dans vos rochers, ou dans vos arbres ploient;

Tellement stupefaits de ce monde qu’ils voient,

Qu’eussent-ils la parole, ils ne pourraient parler.

On en sent quelques-uns frissonner et trembler.

De la les songes vains du bonze et de l’augure.

Donc, represente-toi cette sombre figure:

Ce gouffre, c’est l’egout du mal universel.

Ici vient aboutir de tous les points du ciel

La chute des punis, tenebreuse trainee.

Dans cette profondeur, morne, apre, infortunee,

De chaque globe il tombe un flot vertigineux

D’ames, d’esprits malsains et d’etres veneneux,

Flot que l’eternite voit sans fin se repandre.

Chaque etoile au front d’or qui brille, laisse pendre

Sa chevelure d’ombre en ce puits effrayant.

Ame immortelle, vois, et fremis en voyant:

Voila le precipice execrable ou tu sombres.

*

Oh! qui que vous soyez, qui passez dans ces ombres,

Versez votre pitie sur ces douleurs sans fond!

Dans ce gouffre, ou l’abime en l’abime se fond,

Se tordent les forfaits, transformes en supplices,

L’effroi, le deuil, le mal, les tenebres complices,

Les pleurs sous la toison, le soupir expire

Dans la fleur, et le cri dans la pierre mure!

Oh! qui que vous soyez, pleurez sur ces miseres!

Pour Dieu seul, qui sait tout, elles sont necessaires;

Mais vous pouvez pleurer sur l’enorme cachot

Sans deranger le sombre equilibre d’en haut!

Helas! helas! helas! tout est vivant! tout pense!

La memoire est la peine, etant la recompense.

Oh! comme ici l’on souffre et comme on se souvient!

Torture de l’esprit que la matiere tient!

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