Et, sous l’?il attendri qui regarde d’en haut,
Tout l’abime n’est plus qu’un immense sanglot.
Esperez! esperez! esperez, miserables!
Pas de deuil infini, pas de maux incurables,
Pas d’enfer eternel!
Les douleurs vont a Dieu, comme la fleche aux cibles;
Les bonnes actions sont les gonds invisibles
De la porte du ciel.
Le deuil est la vertu, le remords est le pole
Des monstres garrottes dont le gouffre est la geole;
Quand, devant Jehovah,
Un vivant reste pur dans les ombres charnelles,
La mort, ange attendri, rapporte ses deux ailes
A l’homme qui s’en va.
Les enfers se refont edens; c’est la leur tache.
Tout globe est un oiseau que le mal tient et lache.
Vivants, je vous le dis,
Les vertus, parmi vous, font ce labeur auguste
D’augmenter sur vos fronts le ciel; quiconque est juste
Travaille au paradis.
L’heure approche. Esperez. Rallumez l’ame eteinte!
Aimez-vous! aimez-vous! car c’est la chaleur sainte,
C’est le feu du vrai jour.
Le sombre univers, froid, glace, pesant, reclame
La sublimation de l’etre par la flamme,
De l’homme par l’amour!
Deja, dans l’ocean d’ombre que Dieu domine,
L’archipel tenebreux des bagnes s’illumine;
Dieu, c’est le grand aimant;
Et les globes, ouvrant leur sinistre prunelle,
Vers les immensites de l’aurore eternelle
Se tournent lentement!
Oh! comme vont chanter toutes les harmonies,
Comme rayonneront dans les spheres benies
Les faces de clarte,
Comme les firmaments se fondront en delires,
Comme tressailleront toutes les grandes lyres
De la serenite,
Quand, du monstre matiere ouvrant toutes les serres,
Faisant evanouir en splendeurs les miseres,
Changeant l’absinthe en miel,
Inondant de beaute la nuit diminuee,
Ainsi que le soleil tire a lui la nuee
Et l’emplit d’arcs-en-ciel,
Dieu, de son regard fixe attirant les tenebres,
Voyant vers lui, du fond des cloaques funebres
Ou le mal le pria,
Monter l’enormite, begayant des louanges,
Fera rentrer, parmi les univers archanges,
L’univers paria!
On verra palpiter les fanges eclairees,
Et briller les laideurs les plus desesperees
Au faite le plus haut,
L’araignee eclatante au seuil des bleus pilastres,
Luire, et se redresser, portant des epis d’astres,
La paille du cachot!
La clarte montera dans tout comme une seve;
On verra rayonner au front du b?uf qui reve
Le celeste croissant;
Le charnier chantera dans l’horreur qui l’encombre,
Et sur tous les fumiers apparaitra dans l’ombre
Un Job resplendissant!
O disparition de l’antique anatheme!
La profondeur disant a la hauteur: Je t’aime!
O retour du banni!
Quel eblouissement au fond des cieux sublimes!
Quel surcroit de clarte que l’ombre des abimes
S’ecriant: Sois beni!
On verra le troupeau des hydres formidables
Sortir, monter du fond des brumes insondables
Et se transfigurer;
Des etoiles eclore aux trous noirs de leurs cranes,
Dieu juste! et, par degres devenant diaphanes,
Les monstres s’azurer!
Ils viendront, sans pouvoir ni parler ni repondre,
Eperdus! on verra des aureoles fondre
Les cornes de leur front;
Ils tiendront dans leur griffe, au milieu des cieux calmes,
Des rayons frissonnants semblables a des palmes;
Les gueules baiseront!
Ils viendront! ils viendront, tremblants, brises d’extase,
Chacun d’eux debordant de sanglots comme un vase,
Mais pourtant sans effroi;
On leur tendra les bras de la haute demeure,
Et Jesus, se penchant sur Belial qui pleure,
Lui dira: C’est donc toi!
Et vers Dieu par la main il conduira ce frere!
Et, quand ils seront pres des degres de lumiere
Par nous seuls apercus,
Tous deux seront si beaux, que Dieu dont l’?il flamboie
Ne pourra distinguer, pere ebloui de joie,
Belial de Jesus!
Tout sera dit. Le mal expirera, les larmes
Tariront; plus de fers, plus de deuils, plus d’alarmes;
L’affreux gouffre inclement
Cessera d’etre sourd, et begaiera: Qu’entends-je?