«Eh bien! demanda Flavie, est-ce fini? Avez-vous regle vos affaires?

– Le mieux du monde. Voulez-vous que nous rentrions maintenant? Nous voila presque en territoire ennemi.»

Nous etions, en effet, arrives a l’extremite de la ville, la ou commence la colline qui monte au chateau de Zenda. Comme nous levions les yeux pour admirer la massive beaute de ses vieux murs, nous apercumes un cortege qui descendait la colline et se deroulait en longs zigzags. Il approchait.

«Tournons bride, fit Sapt.

– J’aimerais mieux rester», dit Flavie.

J’arretai mon cheval a cote du sien. Nous pouvions maintenant saisir quelques details. Venaient d’abord deux serviteurs dont la livree noire n’etait relevee que par des galons d’argent. Ils precedaient un char attele de quatre chevaux. Sur le char, sous un lourd drap mortuaire, reposait une biere; par-derriere venait un homme a cheval, en grand deuil, le chapeau a la main.

Sapt se decouvrit, et nous attendimes. Flavie, serree contre moi, avait pose sa main sur mon bras.

«C’est sans doute un des gentilshommes tues dans la bagarre», dit-elle.

Je fis signe au groom.

«Allez demander qui ils escortent», fis-je.

Le groom s’adressa d’abord aux serviteurs, puis, au gentilhomme a cheval qui accompagnait le convoi.

«C’est Rupert de Hentzau», fit Sapt a voix basse.

C’etait, en effet, Rupert. Il fit signe au cortege de s’arreter, et s’avanca au trot vers nous. Il etait en redingote, etroitement boutonnee. Son aspect etait fort sombre et il me salua avec les marques du plus profond respect. Sapt, en le voyant approcher, eut un geste qu’il ne put reprimer – le geste de prendre son revolver – et qui fit sourire le coquin.

«Votre Majeste a fait demander qui nous escortions? Helas! c’est mon pauvre ami Albert de Laengram.

– Personne, monsieur, ne regrette plus que moi cette malheureuse affaire. Mon ordonnance, que j’entends faire respecter, en est bien la preuve.

– Pauvre homme!» fit Flavie de sa voix douce.

Je vis les yeux de Rupert s’allumer, tandis qu’ils se posaient sur la princesse, et je me sentis rougir: il m’etait odieux de supporter que le regard de ce miserable l’effleurat seulement.

«Je remercie Votre Majeste de ses bonnes paroles, repondit-il. Je pleure mon ami, et pourtant, Sire, ce ne sera pas le dernier; d’autres iront le rejoindre ou il repose.

– C’est une verite que personne d’entre nous ne doit oublier, repliquai-je.

– Meme les rois, Sire», continua Rupert d’un ton precheur.

J’entendais Sapt qui sacrait tout bas a mes cotes.

«Vous avez parfaitement raison. Et comment va mon frere?

– Il est mieux, Sire.

– J’en suis ravi.

– Il espere pouvoir sous peu rentrer a Strelsau; sa sante le lui permettra bientot, je pense.

– Cette convalescence est bien longue!

– Quelques petites miseres encore, repondit l’insolent personnage de l’air le plus gracieux du monde.

– Veuillez l’assurer, dit Flavie a son tour, que je souhaite qu’il en voie bientot la fin.

– Je m’associe humblement au v?u que daigne faire Votre Altesse Royale», repondit Rupert.

Je saluai, et Rupert, s’inclinant tres bas, faisant faire volte-face a son cheval, donna ordre au cortege de se remettre en marche. Tout a coup, pousse par je ne sais quel instinct, je piquai des deux et je le rejoignis. Il se retourna vivement, craignant, en depit de la presence du mort et de celle de la princesse, que je n’eusse de mauvaises intentions a son egard.

«Vous vous etes battu en brave, l’autre nuit, lui dis-je. Vous etes jeune. Eh bien! je vous promets que, si vous remettez votre prisonnier sain et sauf entre nos mains, il ne vous arrivera aucun mal.»

Il me regarda avec un sourire ironique; puis, tout a coup, se rapprochant de moi:

«Je ne suis pas arme, dit-il, et le vieux Sapt, de la-bas me descendrait sans la moindre difficulte.

– Je suis sans inquietude, fis-je.

– Je le sais bien, pardieu! s’ecria-t-il. Ecoutez, je vous ai fait une fois une proposition au nom du duc.

– Ne me parlez pas du duc Noir, m’ecriai-je.

– Cette fois, ce n’est pas au nom du duc que je parle, c’est au mien.»

Il baissait la tete.

«Attaquez le chateau hardiment; que Sapt et Tarlenheim conduisent l’assaut.

– Apres?

– Fixons l’heure tout de suite.

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