Barbarie, une terre lointaine. Il crie aux autres Sarrasins : « Nous pouvons bien soutenir cette bataille : les Francais sont si peu et nous avons droit de les mepriser : ce n'est pas Charles qui en sauvera un seul. Voici le jour ou il leur faut mourir. » L'archeveque Turpin l'a bien entendu. Sous le ciel il n'est homme qu'il haisse plus. Il pique de ses eperons d'or fin, et vigoureusement va le frapper. Il lui a brise l'ecu, defait le haubert, enfonce au corps son grand epieu ; il appuie fortement, le secoue et l'ebranle ; a pleine hampe, il l'abat mort sur le chemin. Il regarde en arriere, voit le felon gisant. Il ne laissera pas de lui parler un peu : « Paien, fils de serf, vous en avez menti ! Charles, mon seigneur, peut toujours nous sauver ; nos Francais n'ont pas le c?ur a fuir ; vos compagnons, nous les ferons tous retifs. Je vous dis une nouvelle : il vous faut endurer la mort. Frappez, Francais ! Que pas un ne s'oublie ! Ce premier coup est notre, Dieu merci ! » Il crie : « Montjoie ! » pour rester maitre du champ.
XCVI
ET Gerin frappe Malprimis de Brigal. Le bon ecu du paien ne lui vaut pas un denier. Gerin en brise la boucle de cristal ; la moitie tombe par terre ; il lui rompt le haubert jusqu'a la chair, lui enfonce son bon epieu au corps. Le paien choit comme une masse. Son ame, Satan l'emporte.
XCVII
ET son compagnon Gerier frappe l'amirafle. Il lui brise l'ecu, lui demaille le haubert, lui plonge aux entrailles son bon epieu ; il appuie fortement, lui passe le fer a travers le corps, et a pleine hampe l'abat mort dans le champ. Olivier dit : « Notre bataille est belle ! »
XCVIII
LE duc Samson va frapper l'almacour. Il brise son ecu, qui est pare d'or et de fleurons. Son bon haubert ne le garantit guere. Il lui perce le c?ur, le foie et le poumon, et, le pleure qui veut ! l'abat mort. L'archeveque dit : « Ce coup est d'un vaillant ! »
XCIX
ET Anseis laisse aller son cheval, et va frapper Turgis de Tortelose. Il lui brise son ecu sous la boucle doree, dechire de part en part son haubert double, lui met au corps le fer de son bon epieu. Il enfonce, la pointe ressort par le dos ; a pleine hampe il le renverse mort dans le champ. Roland dit : « Ce coup est d'un preux ! »
C
ET Englier le Gascon de Bordeaux eperonne son cheval, lache la rene et va frapper Escremiz de Valterne. Il brise l'ecu qu'il porte au cou, en disjoint les chanteaux, rompt la ventaille du haubert et atteint la poitrine, sous la gorge ; a pleine hampe il l'abat mort de sa selle. Puis il lui dit : « Vous voila donc en perdition ! »
CI
ET Oton frappe un paien, Estorgans, sur le bord superieur de son ecu, en telle guise qu'il dechire les quartiers de vermeil et de blanc ; il a rompu les pans de son haubert, il lui met au corps son epieu qui bien tranche et l'abat mort de son cheval rapide. Puis il lui dit : « Cherchez qui vous sauve ! »
CII
ET Berengier frappe Astramariz. Il lui brise l'ecu, lui defait le haubert, a travers le corps lui plonge son fort epieu ; entre mille Sarrasins il l'abat mort. Des douze pairs en voila dix de tues ; il n'en reste que deux vivants : c'est Chernuble et c'est le comte Margariz.