bien ! » Les Francais disent : « Dieu ! quel deuil d'un tel baron ! »

CXIX

LE comte Roland, quand il voit Samson mort, sachez qu'il en eut une tres grande douleur. Il pique son cheval, court sus au paien a toute force. Il tient Durendal, qui vaut mieux que l'or pur. Il va, le preux, et le frappe tant qu'il peut sur son heaume dont les pierreries sont serties d'or. Il fend la tete, et la brogne, et le tronc, et la bonne selle gemmee, et au cheval il fend l'echine profondement ; et, le blame, le loue qui voudra ! les tue tous deux. Les paiens disent : « Ce coup nous est cruel ! » Roland repond : « Je ne puis aimer les votres. L'orgeuil est devers vous et le tort. »

CXX

UN Africain est la, venu d'Afrique : c'est Malquiant, le fils du roi Malcud. Ses armes sont tout incrustees d'or ; au soleil sur tous les autres il resplendit. Il monte le cheval qu'il appelle Saut-Perdu : il n'y a bete qui puisse l'egaler a la course. Il va frapper sur l'ecu Anseis : il en tranche les quartiers de vermeil et d'azur. Il lui a rompu les pans de son haubert, il lui enfonce au corps l'epieu, fer et bois. Le comte est mort, son temps est fini. Les Francais disent : « Baron, c'est grand'pitie de toi ! »

CXXI

PAR le champ va Turpin, l'archeveque. Jamais tel tonsure ne chanta la messe, qui de sa personne ait fait autant d'exploits. Il dit au paien : « Que Dieu t'envoie tous les maux ! Tu en as tue un que mon c?ur regrette. » Il lance en avant son bon cheval et frappe le paien sur son ecu de Tolede d'un tel coup qu'il l'abat mort sur l'herbe verte.

CXXII

D'AUTRE part est un paien, Grandoine, fils de Capuel, le roi de Cappadoce. Il monte le cheval qu'il appelle Marmoire, lequel est plus rapide que nul oiseau qui vole. Il lache la rene, pique des eperons et va frapper Gerin de toute sa force. Il brise son ecu vermeil, le lui fait choir du cou. Apres, il lui declot sa brogne, lui plonge toute au corps son enseigne bleue et l'abat mort sur une haute roche. Il tue encore Gerier son compagnon, et Berengier, et Gui de Saint-Antoine, puis va frapper un riche duc, Austorge, qui tenait en sa seigneurie Valeri [ ?] et Envers [ ?] sur le Rhone. Il l'abat mort ; les paiens se rejouissent. Les Francais disent : « Quel declin des notres ! »

CXXIII

LE comte Roland tient son epee sanglante. Il a bien entendu que les Francais se decouragent. Il en a si grand deuil qu'il croit que son c?ur va se fendre. Il dit au paien : « Que Dieu t'octroie tous les maux ! Tu en as tue un que je compte te vendre tres cher ! » Il eperonne son cheval [… ]. Lequel vaincra ? Les voila aux prises.

CXXIV

GRANDOINE etait preux et vaillant, puissant et hardi au combat. Au travers de sa voie, il a rencontre Roland. Jamais il ne l'a vu : il le reconnait pourtant, a son fier visage, a son beau corps, a son regard, a son allure ; il a peur, il ne peut s'en defendre. Il veut fuir, mais vainement. Le comte le frappe d'un coup si merveilleux qu'il lui fend tout le heaume jusqu'au nasal, lui tranche le nez et la bouche et les dents, et tout le tronc, et le haubert aux bonnes mailles, et le pommeau et le troussequin d'argent de sa selle doree, et profondement le dos de son cheval. Point de remede : il les a tues tous deux, et ceux d'Espagne gemissent tous. Les Francais disent : « Notre garant frappe bien ! »

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