paroles ? Ils ont trop tarde.

CXXXVII

LE jour avance, la vepree brille. Contre le soleil resplendissent les armures. Hauberts et heaumes flamboient, et les ecus ou sont peintes des fleurs, et les epieux et les gonfanons dores. L'empereur chevauche plein de colere, et les Francais marris et courrouces. Pas un qui ne pleure douloureusement ; pour Roland, tous sont transis d'angoisse. Le roi a fait saisir le comte Ganelon. Il l'a remis aux cuisiniers de sa maison. Il appelle Besgon, leur chef : « Garde-le-moi bien, comme on doit faire d'un felon pareil : il a livre ma mesnie par traitrise. » Besgon le recoit en sa garde, et met apres lui cent garcons de la cuisine, des meilleurs et des pires. Ils lui arrachent les poils de la barbe et des moustaches, le frappent chacun par quatre fois du poing, le battent a coups de triques et de batons et lui mettent au cou une chaine comme a un ours. Honteusement ils le hissent sur une bete de somme. Ainsi le gardent-ils jusqu'au jour de le rendre a Charles.

CXXXVIII

HAUTS sont les monts, et tenebreux et grands les vaux profonds, les eaux violentes. A l'arriere, a l'avant, les clairons sonnent et tous ensemble repondent a l'olifant. L'empereur chevauche irrite, et les Francais courrouces et marris. Pas un qui ne pleure et ne se lamente. Ils prient Dieu qu'il preserve Roland jusqu'a ce qu'ils parviennent au champ de bataille, tous ensemble : alors, tous avec lui, ils frapperont. A quoi bon les prieres ? Elles ne leur servent de rien. Ils tardent trop, ils ne peuvent arriver a temps.

CXXXIX

PLEIN de courroux, le roi Charles chevauche. Sur sa brogne s'etale sa barbe blanche. Tous les barons de France donnent fortement de l'eperon. Pas un qui ne se lamente de n'etre pas avec Roland le capitaine, quand il combat les Sarrasins d'Espagne. Il est dans une telle detresse qu'il n'y survivra pas, je crois. Dieu ! quels barons, les soixante qui restent en sa compagnie ! Jamais roi ni capitaine n'en eut de meilleurs.

CXL

ROLAND regarde par les monts, par les collines. De ceux de France, il en voit tant qui gisent morts, et il les pleure en gentil chevalier : « Seigneurs barons, que Dieu vous fasse merci ! Qu'il octroie a toutes vos ames le paradis ! Qu'il les couche parmi les saintes fleurs ! Jamais je ne vis vassaux meilleurs que vous. Vous avez si longuement, sans repit, fait mon service, conquis pour Charles de si grands pays ! L'empereur vous a nourris pour son malheur. Terre de France, vous etes un doux pays ; en ce jour le pire fleau ( ?) vous a desolee ! Barons francais, je vous vois mourir pour moi, et je ne puis vous defendre ni vous sauver : que Dieu vous aide, qui jamais ne mentit ! Olivier, frere, je ne dois pas vous faillir. Je mourrai de douleur, si rien d'autre ne me tue. Sire compagnon, remettons-nous a frapper ! »

CXLI

LE comte Roland est retourne a la bataille. Il tient Durendal : il frappe en vaillant. Il a taille en pieces Faldrun de Pui et vingt quatre autres, des mieux prises. Jamais homme ne desirera tant se venger. Comme le cerf devant les chiens, ainsi devant Roland les paiens fuient. L'archeveque dit : « Voila qui est bien ! Ainsi doit se montrer un chevalier qui porte de bonnes armes et monte un bon cheval ; il doit en bataille etre fort et fier, ou autrement il ne vaut pas quatre deniers : qu'il se fasse plutot moine dans un moutier et qu'il y prie chaque jour pour nos peches ! » Roland repond : « Frappez, ne les epargnez pas ! » A ces mots les Francs recommencent. Les chretiens y souffrirent grandement.

CXLII

QUAND on sait qu'il ne sera pas fait prisonniers, on se defend fortement dans une telle bataille. C'est

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