CIII

MARGARIZ est chevalier tres vaillant, et beau, et fort, et agile, et leger. Il eperonne, va frapper Olivier. Il lui brise son ecu sous la boucle d'or pur. Au long des cotes il a conduit son epieu. Dieu garde Olivier : son corps n'a pas ete touche. La hampe se brise, il n'est pas renverse. Margariz passe outre, sans encombre ; il sonne sa trompe pour rallier les siens.

CIV

LA bataille est merveilleuse ; elle tourne a la melee. Le comte Roland ne se menage pas. Il frappe de son epieu tant que dure la hampe ; apres quinze coups il l'a brisee et detruite. Il tire Durendal, sa bonne epee, toute nue. Il eperonne, et va frapper Chernuble. Il lui brise le heaume ou luisent des escarboucles, tranche la coiffe ( ?) avec le cuir du crane, tranche la face entre les yeux, et le haubert blanc aux mailles menues et tout le corps jusqu'a l'enfourchure. A travers la selle, qui est incrustee d'or, l'epee atteint le cheval et s'enfonce. Il lui tranche l'echine sans chercher le joint, il abat le tout mort dans le pre, sur l'herbe drue. Puis il dit : « Fils de serf, vous vous mites en route a la malheure ! Mahomet ne vous donnera pas son aide. Un truand tel que vous ne gagnera point de sitot une bataille ! »

CV

LE comte Roland chevauche par le champ. Il tient Durendal, qui bien tranche et bien taille. Des Sarrasins il fait grand carnage. Si vous eussiez vu comme il jette le mort sur le mort, et le sang clair s'etaler par flaques ! Il en a son haubert ensanglante, et ses deux bras et son bon cheval, de l'encolure jusqu'aux epaules. Et Olivier n'est pas en reste, ni les douze pairs, ni les Francais, qui frappent et redoublent. Les paiens meurent, d'autres defaillent. L'archeveque dit : « Beni soit notre baronnage ! Montjoie ! » crie-t-il, c'est le cri d'armes de Charles.

CVI

ET Olivier chevauche a travers la melee. Sa hampe s'est brisee, il n'en a plus qu'un troncon. Il va frapper un paien, Malon. Il lui brise son ecu, couvert d'or et de fleurons, hors de la tete fait sauter ses deux yeux, et la cervelle coule jusqu'a ses pieds. Parmi les autres qui gisent sans nombre, il l'abat mort. Puis il a tue Turgis et Esturgoz. Mais la hampe se brise et se fend jusqu'a ses poings. Roland lui dit : « Compagnon, que faites-vous ? En une telle bataille, je n'ai cure d'un baton. Il n'y a que le fer qui vaille, et l'acier. Ou donc est votre epee, qui a nom Hauteclaire ? La garde en est d'or, le pommeau de cristal, – Je n'ai pu la tirer », lui repond Olivier, « j'avais tant de besogne ! »

CVII

MON seigneur Olivier a tire sa bonne epee, celle qu'a tant reclamee son compagnon Roland, et il lui montre, en vrai chevalier, comme il s'en sert. Il frappe un paien, Justin de Val Ferree. Il lui fend par le milieu toute la tete et tranche le corps et la brogne safree, et la bonne selle, dont les gemmes sont serties d'or, et a son cheval il a fendu l'echine. Il abat le tout devant lui sur le pre. Roland dit : « Je vous reconnais, frere ! Si l'empereur nous aime, c'est pour de tels coups ! » De toutes parts « Montjoie ! » retentit.

CVIII

LE comte Gerin monte le cheval Sorel, et son compagnon Gerier, Passecerf. Ils lachent les renes, donnent tous deux de l'eperon et vont frapper un paien, Timozel, l'un sur l'ecu, l'autre sur le haubert. Les deux epieux se brisent dans le corps. Ils le jettent mort a la renverse dans un gueret. Lequel des deux fut le plus vite ? Je ne l'ai pas oui dire et je ne sais [… ]. Et l'archeveque leur a tue Siglorel, l'enchanteur, celui qui deja etait descendu en enfer : par sortilege, Jupiter l'y avait conduit. Turpin dit : « Celui-la avait mal merite de nous ! » Roland repond : « Il est vaincu, le

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