CCXXI

LE sixieme corps de bataille, ils l'ont fait de Bretons. Ils ont la trente mille chevaliers. Ceux-la chevauchent en vrais barons : ils portent des lances dont la hampe est peinte ; leurs gonfanons y sont fixes. Leur seigneur se nomme Eudon. Il appelle le comte Nevelon, Tedbalt de Reims et Oton le marquis : « Guidez ma gent, je vous remets cet honneur. »

CCXXII

L'EMPEREUR a six corps de bataille formes. Le duc Naimes etablit alors le septieme. Il est fait des Poitevins et des barons d'Auvergne. Ils peuvent etre quarante mille chevaliers. Ils ont de bons chevaux et leurs armes sont tres belles. Ils se forment a part dans un val au pied d'un tertre, et de sa main droite Charles les benit. Jozeran et Godselme meneront ceux-la.

CCXXIII

ET le huitieme corps de bataille, Naimes l'a forme de Flamands et de barons de Frise ; ils ont plus de quarante mille chevaliers. La ou ils seront, jamais bataille ne flechira. Le roi dit : « Ceux-la feront bien mon service. » A eux deux, Rembalt et Hamon de Galice les guideront en bons chevaliers.

CCXXIV

NAIMES et Jozeran le comte ont forme de vaillants le neuvieme corps de bataille. Ce sont les Lorrains et ceux de Bourgogne : ils ont cinquante mille chevaliers bien comptes, le heaume lace, la brogne endossee. Ils ont des epieux forts, aux hampes courtes. Si les Arabes ne refusent pas le combat, ceux-la frapperont bien, une fois lances contre eux. Thierry les menera, le duc d'Argonne.

CCXXV

LE dixieme corps de bataille est fait des barons de France. Ils sont cent mille, de nos meilleurs capitaines. Leurs corps sont gaillards, leur contenance fiere, leurs chefs fleuris, leurs barbes blanches. Ils ont revetu des hauberts et des brognes a double tissu de mailles, ceint des epees de France et d'Espagne ; et leurs ecus bien ouvres sont pares de maintes connaissances. Puis, ils sont montes a cheval et demandent la bataille. Ils crient : « Montjoie ! » C'est avec eux que Charlemagne se tient. Geoffroi d'Anjou porte l'oriflamme. Elle avait ete a Saint-Pierre et se nommait Romaine : mais a Montjoie elle avait change de nom ( ?).

CCXXVI

L'EMPEREUR descend de son cheval. Sur l'herbe verte il s'est couche, face contre terre. Il tourne son visage vers le soleil levant, et de tout son c?ur invoque Dieu : « Vrai Pere, en ce jour, defends-moi, toi qui sauvas Jonas et le retiras du corps de la baleine, toi qui epargnas le roi de Ninive et qui delivras Daniel de l'horrible supplice dans la fosse ou il etait avec les lions, toi qui protegeas les trois enfants dans la fournaise ardente ! En ce jour, que ton amour m'assiste ! Par ta grace, s'il te plait ainsi, accorde-moi que je puisse venger mon neveu Roland ! » Quand il eut fait oraison, il se redressa debout et signa son chef du signe puissant. Il se remet en selle sur son cheval rapide : Naimes et Jozeran lui ont tenu l'etrier. Il prend son ecu et son epieu tranchant. Son corps est noble, gaillard et de belle prestance ; son visage, clair et assure. Puis il chevauche, ferme sur l'etrier. A l'avant, a l'arriere, les clairons sonnent ; plus haut que tous les autres, l'olifant a retenti. Par pitie de Roland, les Francais pleurent.

CCXXVII

TRES noblement l'empereur chevauche. Sur sa poitrine, hors de la brogne, il a etale sa barbe. Pour l'amour de lui, les autres font de meme ; par la se reconnaitront les cent mille Francais de son corps de bataille. Ils passent les monts et les hauteurs rocheuses, les vaux profonds, les defiles pleins

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