ses clairons, et l'olifant, qui a tous leur donne du c?ur. Les paiens disent : « La gent de Charles est belle. Nous aurons une bataille apre et forcenee. »
CCXXXVIII
LARGE est la plaine et le pays au loin se decouvre. Les heaumes aux pierreries serties d'or brillent, et les ecus et les brognes safrees et les epieux et les enseignes fixees aux fers. Les clairons retentissent, et leurs voix sont tres claires, et hautes sont les tenues de l'olifant. L'emir appelle son frere, Canabeu, le roi de Floredee : celui-la tenait la terre jusqu'a la Val Sevree. Il lui montre les corps de bataille de Charles : « Voyez l'orgueil de France la louee ! L'empereur chevauche tres fierement. Il est en arriere avec ces vieux qui sur leurs brognes ont jete leurs barbes, aussi blanches que neige sur glace. Ceux-la frapperont bien des epees et des lances. Nous aurons une bataille dure et acharnee ; jamais nul n'aura vu la pareille. » Loin en avant de sa troupe, plus loin qu'on lancerait une verge pelee, Baligant chevauche. Il s'ecrie : « Venez, paiens, car je me mets en route. » Il brandit son epieu ; il en a tourne la pointe contre Charles.
CCXXXIX
CHARLES le Grand, quand il a vu l'emir, et le dragon, l'enseigne et l'etendard, et combien est grande la force des Arabes, et comme ils couvrent toute la contree, hormis le terrain qu'il tient, le roi de France s'ecrie, a voix tres haute : « Barons francais, vous etes de bons vassaux. Vous avez soutenu tant de larges batailles ! Voyez les paiens : ils sont felons et couards. Toute leur loi ne vaut pas un denier. Si leur engeance est nombreuse, seigneurs, qu'importe ? Qui ne veut a l'instant venir avec moi, qu'il s'en aille ! » Puis il pique son cheval des eperons : Tencendur par quatre fois bondit. Les Francais disent : « Ce roi est un vaillant ! Chevauchez, barons ! Pas un de nous ne vous fait defaut. »
CCXL
LE jour etait clair, le soleil eclatant. Belles sont les armees, puissants les corps de bataille. Ceux de l'avant s'affrontent. Le comte Rabel et le comte Guinemant lachent les renes a leurs chevaux rapides, donnent vivement de l'eperon. Alors les Francs laissent courre ; ils vont frapper de leurs epieux qui bien tranchent.
CCXLI
LE comte Rabel est chevalier hardi. Il pique son cheval de ses eperons d'or fin et va frapper Torleu, le roi persan : ni l'ecu ni la brogne ne resistent au coup. Il lui a enfonce au corps son epieu dore, et l'abat mort sur un petit buisson. Les Francais disent : « Que Dieu nous aide ! Charles a pour lui le droit, nous ne devons pas lui faillir. »
CCXLII
ET Guinemant joute contre un roi leutice. Il lui a toute brise sa targe, ou sont peintes des fleurs ; puis il dechire sa brogne et lui plonge au corps tout son gonfanon, et, qu'on en pleure ou qu'on en rie, l'abat mort. A ce coup, ceux de France s'ecrient : « Frappez, barons, ne tardez pas ! Le droit est a Charles contre la gent haie ( ?) : Dieu nous a choisis pour dire le vrai jugement. »
CCXLIII
MALPRAMIS monte un cheval tout blanc. Il se jette dans la presse des Francais. De l'un a l'autre il va, frappant de grands coups, et renverse le mort sur le mort. Tout le premier, Baligant s'ecrie : « O mes barons, je vous ai longtemps nourris ! Voyez mon fils : c'est Charles qu'il cherche a joindre ! Combien de barons il requiert de ses armes ! Un plus vaillant que lui, je ne le cherche pas ! Secourez-le de vos epieux tranchants ! » A ces mots les paiens s'elancent. Ils frappent des coups durs ; grand est le