coupes a la garconne, une frange chatain clair lui tombait sur les yeux.

— Hello ! dit-elle avec un sourire avenant. Matvei, je ne vous derange pas ? Oh ! (Elle vit Postacheva.) Que se passe-t-il ? On pleure ?

Elle etreignit les epaules de Postacheva et serra sa tete contre sa poitrine.

— C’est a cause de vous, Matvei ? Quelle honte !

Vous avez du etre brutal ! Parfois vous etes insupportable !

La moustache du directeur fremit.

— Bonjour, Gina, dit-il. Lachez Postacheva, elle est punie. Elle a profondement insulte Kaneko et elle a vole de l’energie  …

— Balivernes ! s’ecria Gina. Calme-toi, ma petite. Quels termes ! « Vole », « insulte », « energie ! » A qui a- t-elle vole de l’energie ? Pas a L’Enfance tout de meme ! Peu importe qui, parmi les physiciens, depense de l’energie : Alia Postacheva ou cet horrible Lamondoy !

Le directeur se leva, majestueux.

— Leonid, Marc, dit-il. C’est Gina Pickbridge, biologiste en chef de l’Arc-en-ciel. Gina, c’est Leonid Gorbovski et Meure Valkenstein, pilotes interstellaires.

Les pilotes se leverent.

— Hello, dit Gina. Non, je ne veux pas faire votre connaissance  … Pourquoi vous, deux hommes en bonne sante et beaux, etes-vous aussi indifferents ? Comment pouvez-vous rester assis et regarder une fillette en larmes ?

— Nous ne sommes pas indifferents ! protesta Marc. (Gorbovski le regarda, stupefait.) Nous etions justement sur le point d’intervenir  …

— Dans ce cas, intervenez ! Intervenez ! dit Gina.

— Alors la, vous depassez les limites ! tonna le directeur. Je n’aime pas ca du tout ! Postacheva, vous etes libre. Partez, partez  … Qu’est-ce qu’il y a, Gina ? Laissez Postacheva, et exposez votre probleme  … Voila, vous voyez, elle a trempe tout votre chemisier avec ses larmes. Postacheva, partez, je vous dis !

Postacheva se leva et, cachant son visage derriere ses mains, sortit. Marc regarda Gina d’un air interrogateur.

— Bien entendu, dit-elle.

Marc rajusta son blouson, lanca un coup d’?il severe a Matvei, salua Gina et sortit a son tour. Matvei esquissa un geste decourage.

— Je vais abdiquer, dit-il. Pas une ombre de discipline. Comprenez-vous ce que vous faites, Gina ?

— Oui, dit Gina en s’approchant vers la table. Toute votre physique et toute votre energie ne valent pas une seule petite larme d’Alia.

— Dites-le a Lamondoy. Ou a Pagava. Ou a Forster. Ou, par exemple, a Kaneko. Quant aux petites larmes, chacun a ses armes. Et assez parle de cela, si vous permettez ! Je vous ecoute.

— Oui, c’en est assez, dit Gina. Je sais que vous etes tetu, autant que vous etes bon. Par consequent, vous etes tetu a l’infini. Matvei, il me faut des hommes. Non, non  … (Elle leva sa petite main.) L’affaire qui se presente est tres risquee mais tres interessante. Il me suffit de lever le doigt pour que la moitie des physiciens filent de chez leurs sinistres chefs.

— Si vous, vous levez le doigt, dit Matvei, les chefs eux-memes fileront  …

— Je vous remercie, mais je parle de la chasse aux calmars. J’ai besoin de vingt hommes pour faire fuir les calmars de la Cote Pouchkine.

Matvei soupira.

— Qu’avez-vous contre les calmars ? dit-il. Je n’ai pas d’hommes a mettre a votre disposition.

— Ne serait-ce que dix personnes. Les calmars pillent systematiquement les fabriques de poissons. Et les experimentateurs, que font-ils ?

Matvei s’anima.

— Oui, tres juste ! dit-il. Gaba ! Ou est donc maintenant Gaba ? Ah oui, je me rappelle  … Tout va bien, Gina, vous aurez dix hommes.

— Parfait. Je savais que vous etiez bon. Je vais aller prendre mon petit dejeuner et ils n’auront qu’a venir me trouver. Au revoir, mon cher Leonid. Si vous avez envie de participer a la chasse, nous en serons ravis.

— Ouf ! dit Matvei lorsque la porte se fut refermee. Une femme ravissante, mais je prefere quand meme travailler avec Lamondoy. En revanche, ton Marc, quel coco !

Gorbovski eut un sourire suffisant et se versa encore du jus de fruits. De nouveau, il s’allongea beatement dans le fauteuil et, apres avoir demande doucement : « Je peux ? », il brancha son diffuseur. A son tour, le directeur s’enfonca dans son fauteuil.

— Oui ! prononca-t-il, reveusement. Tu te sou viens, Leonid : la Tache Aveugle, Stanislav Pichta en train de crier sur toutes les frequences  … Ah oui, a propos  … Tu sais  …

— Matvei Sergueievitch, dit une voix jaillissant du haut-parleur. Message en provenance du Fleche.

— Lis-le, dit Matvei, se penchant en avant.

— « Je suis en train d’entrer en deritrinitation. Prochain contact dans quarante heures. Tout va bien. Anton. » La liaison n’est pas brillante, Matvei Sergueievitch : orage magnetique  …

— Merci, dit Matvei. Soucieux, il se tourna vers Gorbovski. A propos, Leonid, que sais-tu sur Camille ?

— Qu’il n’enleve jamais son casque, dit Gorbovski. Une fois, quand nous etions en train de nous baigner, je le lui ai demande sans ambages. Et il m’a repondu de meme.

— Que penses-tu de lui ?

Gorbovski reflechit.

— Je pense que c’est son droit.

Gorbovski ne tenait pas a aborder ce sujet. Pendant quelques instants il ecouta le tam-tam, puis dit :

— Tu comprends, mon petit Matvei, les choses se sont passees d’une telle facon qu’on me considere presque comme un ami de Camille. Tout le monde me demande le comment et le pourquoi. Et moi, je n’aime pas ce sujet. Si tu as des questions concretes a me poser, je t’en prie, pose-les.

— Oui, j’en ai, dit Matvei. Camille ne serait-il pas fou ?

— Mais non, quelle idee ! C’est simplement un genie ordinaire.

— Tu comprends, je me demande tout le temps : pourquoi n’arrete-t-il pas de faire des predictions ? Quelle drole de manie il a : predire  …

— Et que predit-il ?

— Ah, des petits riens, dit Matvei. La fin du monde. Le malheur, c’est que personne, absolument personne ne comprend ce pauvre bougre  … Du reste, n’en parlons plus. Ou en etions-nous ?

L’ecran s’alluma a nouveau. Kaneko apparut. Sa cravate etait de travers.

— Matvei Sergueievitch, dit-il, legerement essouffle. Pourrais-je verifier la liste ? Vous devez en avoir une copie.

— Oh ! qu’est-ce que j’en ai assez de tout ca ! dit Matvei. Leonid, je te demande pardon. Il va falloir que je parte.

— Bien sur, vas-y, dit Gorbovski. Et moi, en attendant, je ferai un tour jusqu’au cosmodrome. Pour voir comment va mon Tariel  …

— Viens dejeuner chez moi vers deux heures, dit Matvei.

Gorbovski termina son verre, se leva et, ravi, porta le son du tam-tam au maximum.

CHAPITRE III

Vers dix heures, la chaleur devint intolerable. Venant de la steppe incandescente, des vapeurs acres de sels volatils suintaient par les joints des fenetres fermees. Des mirages dansaient au-dessus de la steppe. Robert installa deux puissants ventilateurs a cote de son fauteuil et s’allongea a moitie, s’eventant avec un vieux magazine. Il se consolait en pensant que vers trois heures ce serait beaucoup plus dur et qu’apres, sans qu’on s’en apercoive, le soir tomberait. Camille se figea devant la fenetre du nord. Ils se taisaient.

Une interminable bande bleue couverte des lignes en dents de scie du releve automatique sortait de

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